Le 26 novembre dernier se tenait l’université populaire du 18ème autour du thème « Sida : 30 ans de lutte ». Ce qui s’annonçait comme une simple conférence a rapidement pris un tour théâtral...
Il y a une petite trentaine de personnes dans la grande salle des mariages de la mairie du XVIIIème. Toutes venues pour en savoir plus sur la situation actuelle du Sida dans notre pays. Pour nous éclairer, trois intervenants sont au rendez-vous : Mickaël Quilliou, ancien secrétaire national d’Act Up, Marie-Hélène Tokolo, présidente de l’association Marie-Madeleine et Marjorie Gerbier-Aublanc, doctorante à l’université Paris Descartes.
La parole est d’abord donnée à Mme Tokolo. Son association, Marie-Madeleine, a pris la belle initiative de traduire le quotidien des séropositifs dans un registre théâtral. « Ça en dit beaucoup plus long que les discours », nous prévient Mickaël Quilliou. Bien vu.
Toutes les actrices de l’association Marie-Madeleine se produiront masquées. En guise d’entrée, l’une d’elle récite « Cet Amour » de Jacques Prévert : « Cet amour/Beau comme le jour/Et mauvais comme le temps/Quand le temps est mauvais... »
Une fois la parenthèse poétique fermée, les actrices nous proposent une plongée dans le monde réel. Celui d’une femme d’origine africaine qui montre ses résultats d’analyse à son médecin. Derrière un paravent, une voix plante le décor :« Il est fatigué. Ce matin, il a annoncé leur séropositivité à quatre femmes. »
Le docteur n’y va pas par quatre chemins : « Madame, j’ai deux nouvelles à vous annoncer. Vous êtes enceinte - elle se réjouit. Mais vous êtes aussi séropositive – elle ne comprend pas. » Le médecin perd ce qu’il lui restait de patience : « Vous avez le sida Madame, et je vous conseille fortement de ne pas garder cet enfant. » Quand le patiente proteste, le praticien rétorque : « vous, les Africains, vous ne comprenez jamais rien. »
Ce qui commence mal empire au fil des saynètes. Quand la protagoniste annonce sa maladie à sa famille, sa tante repousse violemment sa chaise : « Tu sais que ta cousine a la santé fragile et toi tu viens chez nous avec le sida ! »
De fil en aiguille, la triste héroïne échoue dans un foyer pour femmes. Là encore, même scénario. Quand les autres pensionnaires apprennent sa maladie, on n’est pas loin du lynchage.
Ce que les comédiennes de l’association Marie-Madeleine ont voulu faire connaître, c’est les problèmes de dimension culturelle que pose le virus du sida. Une bonne idée. Mickaël Quilliou avance que 54 % des femmes contaminées en France pas le virus du Sida sont d’origine africaine. La doctorante Marjorie Gerbier-Aublanc dénonce avec humeur : « il y a une incapacité de la France, des valeurs républicaines, à traiter certains aspects du problème. » Les pouvoirs publics l’avaient d’ailleurs bien compris il y a quelques années, en lançant des formations de médiateur de santé. L’intervenante vante les mérites de cette aide personnalisée apportée aux malades jusque dans les démarches administratives... avant de déplorer la disparition annoncée de ces salariés.
En guise de dessert, les actrices remontent sur scène pour nous raconter l’attente d’une séropositive devant la préfecture. La plupart du temps, une nuit à camper sur le trottoir en attendant l’ouverture des bureaux. Aussi absurde que ça puisse paraître, les malades du Sida doivent régulièrement prouver qu’ils sont toujours malades pour garantir leur séjour en France...
Pour en savoir plus :
Le site web de l’association Marie-Madeleine (en construction)
Le site web d’ActUp Paris