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« On attend du conseil de quartier un lieu pour être entendus, à défaut d’être écoutés »

Publié le 10 mars 2015

Dans le cadre de notre dossier sur la participation citoyenne, nous avons été discuter avec Ariel Lellouche, coordinateur du conseil de quartier de la Goutte d’Or/Château Rouge, pour avoir son sentiment sur cette expérience. Difficultés rencontrées, évolution de la forme du conseil de quartier, perspectives d’avenir... Nous faisons le tour avec lui de cet outil participatif qui risque de disparaître.

Ariel Lellouche est instituteur, vit et travaille dans à la Goutte d’Or, et fait partie du conseil de quartier depuis sept ans. Il en est aujourd’hui le coordinateur, pour encore quelques mois.

Les débuts difficiles du conseil de quartier

« Les conseils de quartier ont été créés par la loi du 27 février 2002, dite loi Vaillant, relative à la démocratie de proximité. L’objectif, c’était d’en faire le lieu d’expression du quartier, de donner la parole aux habitants. Le hiatus, c’est que c’était un organe uniquement consultatif, et qui n’avait aucun pouvoir de décision. Cette ambivalence a toujours été compliquée à gérer.

A l’époque, le conseil de quartier ne ressemblait pas à ce qu’il est aujourd’hui. Lorsqu’il a été lancé à la Goutte d’Or, il y avait d’abord la constitution d’un organe central, composé de 45 membres : 15 personnes venues du monde associatif, 15 hommes, 15 femmes. Ils avaient la charge d’animer des débats publics ouverts à tous (à l’époque, à l’école Budin), et de gérer un budget divisé en deux. Il y avait un budget de fonctionnement, pour organiser les débats, et d’investissement, pour éventuellement lancer des projets.

Au départ, cela se passait bien, mais rapidement il y a eu quelques désaccords entre les personnes qui constituaient l’organe central, notamment entre les associatifs, qui étaient dans le quartier de 9h à 18h, et les habitants, pour qui c’était l’inverse. Les modes de vie étaient différents, les points de vue ne se recoupaient pas. Nous n’arrivions pas à prendre de décision en accord. Pendant 5 ans, le budget de fonctionnement n’a grosso modo jamais été dépensé, car aucune initiative ne récoltait tous les suffrages ».

Deux quartiers, deux populations

« Une des raisons de ce statut quo, c’est que le quartier est vraiment divisé en deux. Il y a la partie Goutte d’Or, et la partie Château Rouge : les problèmes et les solutions pour les habitants des deux parties ne sont pas les mêmes.

Du côté de Château Rouge, il y a un désir fort c’est celui de l’ordre public. C’est un des problèmes majeurs qu’ils faisaient rejaillir lors des conseils de quartier. Or, l’équipe dirigeante du conseil de quartier n’avait aucune prérogative pour s’occuper de ce problème, et je pense que certains habitants se sont lassés de cela.

D’autant qu’à l’époque, dans le fonctionnement du conseil, un élu devait être président du conseil de quartier. C’était compliqué car les habitants pouvaient avoir tendance à s’adresser directement à lui, quand le lieu était fait au contraire pour un débat entre habitants. Il ne fallait pas que ces rassemblements deviennent une tribune pour attaquer la mairie, peu importe le choix des sujets ».

Conseil de quartier, deuxième version

« En conséquence, il y a quelques années, après une consultation, la mairie a décidé de changer de braquet. Les conseils de quartier ont évolué : il y a désormais une équipe d’animation composée de quinze personnes (5 associatifs, 5 hommes, 5 femmes) et animée par un coordinateur, choisie pour un mandat de quatre ans.

Des thèmes sont mis en place et choisis par l’équipe d’animation, chaque membre anime une commission qui accueille tous les habitants qui désirent s’y investir. L’équipe d’animation propose également des actions où investir un certain budget, et les habitants votent ».

Un succès mitigé

« Mais si le conseil de quartier a changé dans la forme, dans le fond, cela reste un espace d’expression, seulement consultatif. Nous n’avons aucun moyen de trouver des solutions concrètes aux inquiétudes des habitants, comme la délinquance ou la prostitution. Mais cette deuxième formule a tout de même bien mieux fonctionné.

Depuis quelques temps, le conseil de quartier finance de nombreuses choses ! Le maquillage lors de la Fête de la Goutte d’Or, le cinéma pour le square de Noël, la végétalisation... Ça, on peut le faire !

C’est dans les débats que cela reste plus compliqué. Malheureusement, on ne parle que des problèmes. Je pense que c’est peut-être pesant pour les gens qui attendent du conseil de quartier un lieu pour être entendus, à défaut d’être écoutés ».

Perspectives d’avenir

« Et puis, il y a une nouvelle population qui arrive tous les jours, avec des gens qui veulent s’investir, d’autres qui sont plus craintifs. Le conseil de quartier doit être un lieu où les gens de différents milieux peuvent se rencontrer et s’écouter pour créer un mieux-vivre ensemble. Encore plus à un moment où le quartier est en pleine mutation : ce rassemblement est un espace pour faire et construire des choses ensemble, entre habitants et associatifs.

Toutefois, on constate que toute une part du quartier ne vient pas. C’est un enjeu pour nous. Il y a également une partie des habitants qui n’ont pas les codes de la discussion en groupe. Dans le futur, c’est une des questions qu’il faut se poser pour améliorer notre fonctionnement : comment faire en sorte que tout le monde puisse échanger ?

Personnellement, j’ai trouvé cette expérience passionnante. Je ne sais pas encore si je vais remettre mon nom dans la boîte. C’est un investissement très important. Et puis, il faut remettre du sang neuf dans tout cela. Si je continue, ce ne sera pas comme coordinateur.

Avec la création probable des futurs citoyens, le conseil de quartier risque aussi de disparaître. Si je dois me projeter, je dirais qu’il est important à l’avenir de faire plus de passerelles avec les associations. L’objectif reste, je le pense, fondamental : permettre aux gens d’échanger. Peu importe si c’est houleux, tant que cela reste respectueux ».



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