C’était comment, la Goutte d’Or, il y a 50 ans ? 20 ans ? 5 ans ? Tous les lundis, Goutte d’Or & Vous ressort une archive des cartons qui témoigne de l’évolution du quartier. Vieux reportages de JT, films sur le quartier, vidéos amateures...
Mardi 8 novembre, s’est tenue à la mairie du 18e arrondissement, l’assemblée générale constitutive du Conseil Citoyen Paris 18. Les Conseils Citoyens ont été créés en février 2014 dans les quartiers de la "Politique de la Ville". L’occasion pour nous de revenir sur les débuts de la "Politique de la ville", en 1984, quand la Goutte d’Or a été inscrite dans la carte de la géographie prioritaire. En effet, 30 ans avant la formation du Conseil Citoyen Paris 18, les habitants de la Goutte d’Or portaient un message politique fort sur leur quartier et demandaient à ce qu’on prenne en compte leur parole. Ce lundi, nous publions donc le numéro de juin 1984 du journal Paris Goutte d’Or où la voix des habitants s’élève contre les premières mesures de lutte contre l’insalubrité, lancées par les pouvoirs publics sans consultation préalable de la population.
Un constat, opéré par les pouvoirs publics, au début des années 1980, est que certains quartiers cumulent des indicateurs de précarité sociale et économique pouvant expliquer en partie le phénomène des émeutes urbaines : chômage, insalubrité de l’habitat, bas revenus, évitement scolaire, etc. La Politique de la ville naît d’une interprétation spatiale de la problématique sociale et donne lieu à une politique publique de discrimination territoriale positive : des quartiers prioritaires sont désignés et doivent faire l’objet d’une intervention publique spécifique, destinée à réduire les différentiels socio-économiques entre ces quartiers et les autres. Dans le cadre du programme de développement social des quartiers (DSQ), la Goutte d’Or devient donc, en 1984, une zone d’éducation prioritaire (ZEP), puis une zone urbaine sensible (ZUS).
L’intervention publique dans le quartier de la Goutte d’Or a, en particulier, été orientée vers la lutte contre l’insalubrité, par le biais d’opérations de RHI (résorption de l’habitat insalubre). Les RHI ont pu faire l’objet de polémiques : elles supposent la démolition des îlots jugés insalubres selon un certain nombre de critères, donc l’expropriation des habitants qui sont censés être relogés dans des logements salubres et conventionnés. Or, un certain nombre de ménages, pour des raisons économiques (augmentation des prix des loyers) ou pour des questions administratives (la plupart sont des étrangers) ne pourront bénéficier de la nouvelle offre en logement.
En 1984, acteurs associatifs et habitants de la Goutte d’Or se sont dressés contre l’intervention publique dans leur quartier et ont dénoncé une politique urbaine qui, sous couvert de réduire les inégalités territoriales dans le cadre de la Politique de la ville, aurait œuvré dans le sens d’une exclusion et d’une marginalisation des catégories les plus pauvres de la population.
Vous pouvez retrouver le discours de protestations de ces habitants de la Goutte d’Or, dans le numéro du 1er juin 1984, du journal trimestriel Paris Goutte d’Or (document en lien ci-dessous). Ce qu’on constate, en lisant ce numéro, au-delà de la colère des habitants, c’est leur sentiment de frustration vis-à-vis d’une politique jugée en complet décalage avec la réalité sociale du quartier et, finalement, de l’absence de consultation de la population. D’une certaine manière, ils réclamaient leur droit de Cité, c’est-à-dire la restitution de leur pouvoir d’agir quant aux pratiques, aux représentations et à la production de l’espace urbain. 30 ans plus tard, les Conseils Citoyens ont été créés et sont censés remettre la parole des habitants au cœur de l’intervention publique dans les quartiers prioritaires.
Numéro complet :
Pour en savoir plus sur le Conseil Citoyen Paris 18, rendez-vous sur le site web.