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"L’épidémie est loin d’être terminée" - Extrait d’Alter Ego numéro 75

Publié le 24 janvier 2014

C’était en décembre 2012 dans Alter Ego. Le Pr Jean-François Delfraissy faisait un constat qui, malheureusement, reste d’actualité aujourd’hui...

Nous avons demandé au Pr Jean-François Delfraissy qui dirige l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) de faire le point sur l’état actuel de la contamination, sur les progrès accomplis grâce à la prévention autant qu’à la réduction des risques mais aussi de nous dire quelles sont les nouvelles pistes qui s’ouvrent aux chercheurs. Sans fixer d’échéances, le directeur de l’ANRS pense que les recherches sur un vaccin devraient connaître un nouvel essor en France.

L’épidémie en France s’est-elle stabilisée ?

JEAN-FRANÇOIS DELFRAISSY : Les estimations d’incidence des nouvelles contaminations réalisées par l’INVS(1) ont bien mis en évidence les niveaux très différents de l’épidémie selon les groupes sociaux, avec des tendances contrastées entre les homosexuels masculins avec une incidence en hausse et les autres groupes de la population plutôt en baisse tendancielle. Le nombre de personnes infectées, et ne le sachant pas, a été rééstimé à la baisse pour l’année 2010 selon différentes méthodes et ces estimations convergent vers un chiffre plus bas qu’avancé antérieurement : autour de 30 000 plutôt que les 50 000 mis en avant dans le passé avec les données dont on disposait en 2007 et 2008.

Quelles sont les personnes les plus touchées ?

J-F.D : En France métropolitaine, le groupe des hommes ayant des rapports homosexuels a la prévalence la plus élevée suivi par la population des immigrés venant des régions les plus touchées d’Afrique Subsaharienne. Les départements des Antilles, et surtout la Guyane, ont des taux de prévalence très élevés également. Parmi les personnes consommant des drogues, le taux de prévalence est élevé en raison des infections anciennes, mais le risque de nouvelles contaminations est devenu très bas grâce à la large mise à disposition des traitements de substitution et aux stratégies de réduction des risques.

Depuis plusieurs mois maintenant, des associations proposent des tests rapides de dépistage du VIH. Pouvez-vous déjà en tirer quelques enseignements ?

J-F.D : Les tests rapides ne sont pas nouveaux. Leur technique a continué à progresser et leur qualité et leur praticabilité se sont améliorées. L’offre associative de tests rapides s’adresse actuellement plutôt aux homosexuels masculins sous des formes diverses, dans des locaux associatifs, dans des lieux de drague, avec des médecins ou des volontaires non professionnels. Cette offre attire à la fois des hommes qui se dépistent régulièrement en lien avec leurs prises de risque, et une petite proportion d’hommes qui ont plutôt évité le dépistage. Il est impossible pour le moment d’ évaluer l’impact global sur le taux de dépistage dans cette population masculine, ou l’impact sur le comportement préventif. L’objectif est de favoriser le dépistage très précoce si possible, au moment de la primoinfection, moment où le risque de transmission est très élevé. Puis de réduire ce risque grâce au traitement antirétroviral. On manque encore de recul pour mesurer ce qu’apporte cette pierre supplémentaire dans la stratégie préventive. Le test rapide peut être aussi utilisé dans d’autres contextes ou auprès d’autres publics dès lors qu’il ne redouble pas les dispositifs existants mais apporte un plus en terme d’accessibilité en s’adaptant aux spécificités de chaque public : programmes envers des travailleurs/ses du sexe, étrangers sans titre de séjour, population éloignée des centres de soins en Guyane etc. Le bilan de ces expériences sera tiré par la DGS(2). Il ne faut pas sous-estimer l’intérêt pour les services de santé d’une utilisation plus fréquente du test rapide dans des contextes diagnostiques pour limiter les occasions manquées en présence de certains signes ou de certaines expositions.

Des autotests réalisables à domicile sont en vente libre aux Etats-Unis, faut-il faire la même chose ?

J-F.D : Pour l’heure un seul test est autorisé en vente libre aux USA qui permet à la personne de connaître son statut VIH sur un simple prélèvement de salive. Certainement, cela donne de l’autonomie à la personne pour un acte très personnel comme le fait par exemple le test de grossesse. Il demande des précautions d’utilisation comme n’importe quelle autre forme de test. Il faut que ces précautions soient très explicites et pratiques dans les notices d’information qui accompagneront le produit. On s’inquiète parfois de la découverte d’une séropositivité sans accompagnement. La maladie, que révèlera le test quand il s’avèrera positif, n’est plus le sida des années 80 mais une maladie qui se soigne bien. On verra apparaître de nouvelles pratiques de prévention intégrant l’usage de l’auto-test, ou très propablement le test entre partenaires comme alternative à l’utilisation du préservatif. Il faudra bien comprendre ces nouvelles pratiques, leurs bénéfices et leurs éventuels effets négatifs. La bonne utilisation des autotests reposera sur la capacité des autorités sanitaires et des acteurs de prévention à élaborer des conseils qui ne soient ni d’excessives mises en garde, ni une banalisation.

La ministre de la Santé et des Affaires sociales, Marisol Touraine, s’est prononcé pour l’expérimentation des salles de consommation de drogues à moindre risque. Cette décision peut-elle aider aussi à lutter contre le sida ?

J-F.D : Elle est utile pour les personnes qui l’utiliseront et pour la population des quartiers dans lesquels l’espace collectif est utilisé pour la consommation. Les salles de consommation vont dans le sens de la dignité des personnes. Pour le VIH, l’épidémie est bien contrôlée chez les consommateurs de drogues. Notre préoccupation porte surtout sur l’hépatite C qui se transmet plus facilement et qui est une affection moins bien connue et comprise que l’infection VIH. Il est probable que les salles de consommation resteront peu nombreuses, elles apporteront une prévention meilleure aux personnes, le plus souvent très marginalisées, qui les fréquenteront. C’est déjà très bien. Concernant l’effet populationnel, tout dépendra du niveau de développement. En 2013, on démarre et on expérimente. Nous sommes donc encore loin d’un effet en population…

Pouvez-vous nous dire où en est la recherche aujourd’hui ?

J-F.D : Une des grandes priorités de la recherche, qui fait l’objet d’un effort international auquel participe l’Anrs, est de tenter « d’éradiquer l’infection » ou tout au moins d’induire une « rémission ». C’est à dire un état de contrôle stable et durable de l’infection qui permettrait aux personnes de vivre sans traitement et sans symptômes de la maladie, malgré la persistance d’infimes traces de virus dans leur organisme. Au point de vue thérapeutique, les efforts de recherche portent sur la simplification des traitements et la limitation de leurs effets secondaires. Enfin, la recherche en prévention est plus que jamais centrale avec un nombre de nouvelles infections, en particulier dans les pays du Sud, toujours important avec 2,4 millions de personnes nouvellement infectées en 2011. Nos efforts visent à réduire le risque d’infection de personnes séronégatives très exposées au Vih. C’est l’objet des projets de recherche de prophylaxie pré-exposition, ou Prep, qui consistent à évaluer l’intérêt de renforcer le socle de prévention sexuelle (préservatifs, dépistage et traitement des IST…) par un traitement antirétroviral. L’Anrs évalue, en France et au Québec prochainement, une telle stratégie non pas en continu mais à la demande, c’est-à-dire au moment des périodes d’activité sexuelle, chez des volontaires gay. Toujours dans la perspective de ralentir la courbe de l’épidémie, les chercheurs s’emploient également à valider, à l’échelle des populations, le concept du « Traitement comme moyen de prévention ». L’Anrs mène ce type de recherche en Afrique du Sud, où la prévalence et l’incidence de l’infection par le VIH sont très fortes : l’étude « Anrs Tasp » propose un accès généralisé au dépistage et une mise sous traitement rapide des personnes dépistées séropositives. Nous partons ici de l’idée que, outre un bénéfice individuel que peuvent en retirer les personnes elles-mêmes, en traitant le plus grand nombre de personnes séropositives, on parviendra à réduire leur charge virale, donc leur infectiosité. Par cette approche, on espère pouvoir réduire le nombre des nouvelles contaminations.

Et le vaccin ?

La recherche sur le vaccin, avec la création récente de l’Institut de recherche sur le vaccin (VRI à Créteil), devrait prendre un nouvel essor en France, sous l’égide de l’Anrs, et permettre de développer de nouveaux candidats vaccin. Nous nous fixons des objectifs scientifiques ambitieux mais en raison de la complexité de ce champ de recherche, il serait illusoire de donner des échéances ! En ce qui concerne la recherche avec et pour les pays du Sud, il faut favoriser la recherche dite « opérationnelle » qui évalue, à l’échelle des populations, l’efficacité et les conséquences des programmes d’accès élargi aux traitements (traitements de 2ème et 3ème lignes) ou encore des nouveaux outils de prévention, comme la circoncision masculine. L’épidémie de VIH est loin d’être terminée, elle a été la grande épidémie du XXe siècle et restera probablement celle du XXIe.

Propos recueillis par Mireille RIOU

(1) Institut national de veille sanitaire
(2) Direction générale de la santé



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