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Les Enfants de la Goutte d’Or : l’histoire d’une rencontre

Publié le 3 novembre 2014

Quand on arrive dans le nouveau local du club-foot des Enfants de la Goutte d’Or, on est surpris par le nombre de coupes gagnées par ce club créé en novembre 1978, et qui sont alignées un peu pèle mêle en attendant de trôner sur des étagères. Je m’attendais alors, au cours de cette rencontre avec les deux coachs, à un déroulé de leur palmarès sportif, a des compte-rendus des derniers matchs d’une de leurs nombreuses équipes ou encore de leur équipe féminine.

Or très vite Nasser, un des coachs, me fit remarquer que "c’est un club qui n’est pas comme les autres, ce n’est pas un club où l’on ne vient que pour pratiquer un sport, même, si cet aspect a toute son importance, (les trophées sont là pour le témoigner) ce genre de club il faut qu’il existe aussi. Mais nous, Jacques et moi, ce n’est pas par hasard que l’on est dans ce club".

Jacques confirme : "Nasser c’est quelqu’un que je voyais à l’extérieur on partageait autre chose que le foot… Quand on m’a parlé de Nasser, sans hésitation j’ai dit oui, il faut qu’il arrive vite ! Déjà sur l’attitude et les valeurs il n’y avait pas d’ambiguïté : ça, ça a été très intéressant pour la suite du projet".

Le respect et la solidarité plutôt que les coupes

Mais alors, le foot, le classement du club au championnat de la Ligue… toutes ces coupes ? Très vite, je compris que l’essentiel n’était pas de collectionner des trophées, et encore moins de détecter de « futures vedettes », mais surtout de développer tout un volet éducatif, de partager des valeurs comme le respect, la solidarité ; d’être exigeant dans l’engagement, dans l’effort que chacun doit fournir à l’entrainement mais aussi dans la vie de tous les jours.

C’est donc un choix délibéré de leur part d’avoir choisi ce type de club, c’est un projet de vie, comme l’explique Nasser : "Il y a une exigence sur le comportement, sur l’attitude, sur la façon d’être, tout en sachant qu’ils (les jeunes) sont là pour apprendre à jouer au foot. Il y a aussi cette idée de combativité, ne pas baisser les bras, ne pas lâcher… et ça c’est l’esprit de la Goutte D’Or, ça toujours été cela. C’est ce truc qu’on a essayé de maintenir".

Cet engagement, nos deux coachs l’ont pris en pensant à l’histoire même du club, à la manière dont il a été créé, aux gens du quartier qu’ils accueillent, et aussi par rapport à leur propre vécu. "Je suis arrivé au club en 1982, j’avais 10 ans, j’étais benjamin. Quand je suis arrivé d’Algérie ma première intégration ça a été par le foot, en août 1982. Je ne parlais pas français. La première fois que je suis arrivé à l’école, rue Richomme ( une école du quartier), j’étais complètement perdu au milieu de tous ces gamins… J’étais dans un autre monde", raconte Nasser.

Jacques lui, est arrivé en France "un an après Nasser, en 1983, dans le cadre du regroupement familial. J’ai intégré le club un peu plus tard en 1985 dans la même catégorie que Nasser, on s’est retrouvé dans la même équipe…".

Une rencontre qui a tout changé

Tout s’est joué autour d’une rencontre, une simple rencontre avec un homme, avec des gens du quartier prêts à s’investir pour les jeunes de la Goutte d’Or. Cette rencontre, 30 ans après, nos deux coachs ne l’ont pas oubliée. Les trophées gagnés et amoncelés ne leur ont pas fait perdre de vue ce qui aujourd’hui encore les lie au quartier, à leur quartier.

"Nous sommes arrivés d’ailleurs et nous avons trouvé des gens qui étaient disponibles, qui nous ont fait tout de suite confiance, qui nous ont accompagné, qui nous ont aidé à nous épanouir. Ça te motive, ça te donne envie de faire pour les autres", se souvient Nasser.

Ce fut donc, pour l’un comme pour l’autre cette rencontre avec le fondateur de l’Association, Youcef Kaïd, plus connu sous le nom de Dadi, figure emblématique du quartier (une des salles du gymnase de la Goutte d’Or porte son nom) : "c’est lui qui nous a fait", disent-ils. Cette rencontre a scellé leur engagement, et leur a donné cette envie de s’engager pour les enfants de leur quartier.

"C’est lui qui nous a mis le pied à l’étrier… c’est lui qui m’a motivé", complète Jacques. "Il a senti l’engagement qu’on avait d’être là au club, il m’a toujours poussé de l’avant, je le voyais comme un exemple, lui, sa femme Malika qui était elle aussi investie pour les jeunes".

Ce sont ces valeurs qui ont modelé l’esprit de ces deux jeunes garçons, ces valeurs qui depuis animent ce club de foot. "Je suis venu au club", poursuit Nasser, "j’ai pris ma licence et déjà à l’époque il y avait un lien social, ce lien social que l’on défend tant encore aujourd’hui. En tout cas, c’est ce que j’essaie de reproduire à travers mon métier".

Une connaissance réelle et raisonnée de leur quartier

"Un jour, des jeunes éducateurs du club m’ont invité à les accompagner", raconte Jacques. "J’ai vu ce qui se faisait, je suis resté avec eux et c’est là que je me suis lancé…On a été piqués (rires)… On ne pouvait plus s’en sortir quoi !".

Une rencontre, mais aussi un ancrage dans le quartier, une connaissance réelle et raisonnée de leur quartier, voilà aussi ce qui fait la force des dirigeants de ce petit club de la Goutte d’Or : "On est reconnu comme habitants du quartier, comme un type d’habitant particulier, pas comme des professionnels de l’animation sportive", expliquent-ils. Cette connaissance « intime » des habitants les amène parfois à être en difficulté avec l’administration, avec le côté formel des choses. Il s’agit certes de faire vivre et perdurer les projets retenus mais aussi de répondre aux contrôles administratifs des pouvoirs publics.

"Il ne faut pas se voiler la face, on a une population qui est fragile…c’est pour cela que même si on a manqué de rigueur dans la collecte des cotisations du club, c’est parce qu’on connaissait la réalité sociale, on connaissait la situation familiale de certains jeunes", explique Jacques. "Les familles me connaissaient et moi je connaissais leur situation et au-delà des cotisations elles savaient que dans cette association les enfants étaient dans de bonnes mains".

"On n’est pas des grand-frères"

Est-ce suffisant ? L’un et l’autre ne se laisse pas envahir et déborder par cette confiance que leur font les parents « Nous on n’est pas des grand-frères… » Ils restent lucides et professionnels. Ils sont conscients que les activités qu’ils développent ne doivent pas être déficitaires et doivent s’inscrire dans un cadre juridique défini.

"On a été obligés d’améliorer notre pratique en temps que gestionnaires, donc on organise nos actions avec plus de rationalité sur le plan financier. En essayant toujours de lier les deux : le financier et l’humain", précise Jacques. "J’avais envie de rendre aussi ce que l’on m’avait donné, et quand on m’a expliqué que je pouvais aussi en faire un métier, après, ça c’est enchaîné : rendez-vous, signature de contrat", poursuit Nasser.

"Quand je suis arrivé dans l’association je me suis formé, car si je voulais encadrer il fallait que je sois formé. A un moment, je ne sentais plus l’utilité des formations que l’on me proposait car j’avais déjà acquis ce qu’ils me proposaient, de par mon expérience sur le terrain. Mais c’est vrai que c’était une erreur de ma part : on s’est rendus compte qu’il fallait qu’on trouve des formations beaucoup plus précises", enchaîne Nasser.

"Une autre image du quartier"

Un ancrage dans le quartier avec en trame de fond une dimension citoyenne, un désir de transmettre ce qu’ils avaient reçu quand ils ont atterri dans cet arrondissement de Paris, et je dirais, un « un projet de société » qui dépassait, et de loin, la simple idée de se réunir sur un terrain et de taper dans la balle avec des copains. Il s’agissait bien de modifier en profondeur son environnement.

"On voulait aussi apporter une autre image du quartier. Il y avait quelque chose qui nous frappait : il y avait un club de billard dans le quartier. Le club était tenu par un ancien champion du monde, mais aucun enfant du quartier ne jouait au billard. Les gens arrivaient d’autres arrondissements, ils venaient jouer au gymnase où il y avait de magnifiques tables et ils repartaient chez eux… et le terrain de tennis c’était pareil. Nous, on jouait sur le trottoir alors que le terrain était là, vacant… On n’osait même pas y aller !", s’étonne encore aujourd’hui Nasser.

C’est cette idée de partage, de transmission de l’héritage qu’ils ont reçu, qui prédomine, qui est au centre même de leur projet, beaucoup plus que l’idée de se construire une carrière, comme le fait remarquer Nasser alors qu’une amie lui proposait de venir travailler aux Enfants de la Goutte D’Or. "J’y travaillais déjà, mais ma première réaction, c’était de croire qu’on n’était pas payé pour faire cela. On a connu que des bénévoles nous, quand on était petit…On ne pensait pas salaire !!!", explique-t-il. "On était trop jeunes. On a surtout vu des bénévoles s’occuper du club, donc moi, quand on m’a dit tu vas t’occuper du club des Enfants de la Goutte D’Or.…je pensais vraiment que j’allais être bénévole. Moi en plus, j’avais envie de revenir, j’avais cet amour du club… J’avais envie de rendre aussi…".

Si le fait de s’investir pouvait suffire à une époque, de nos jours cet investissement personnel doit s’armer d’un encadrement plus structuré, d’un cadre juridique. "Quand j’ai commencé dans le quartier", se rappelle Nasser, "dans le square, on faisait du foot avec peu de moyens, on appelait les jeunes pendant les vacances, ce n’était pas très formalisé…avec ma formation à la Ligue je peux maintenant accompagner de jeunes éducateurs dans l’animation comme à l’entrainement".

Nos jeunes, ils ont besoin de se rassurer

Peu à peu, nos deux coachs ont suivi des stages de formation à la Ligue de Paris IdF, pour être animateur formateur de football de quartier. Ils sont titulaires soit d’un BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et de sport) ou d’autres diplômes reconnus par la FFF, qui attestent qu’ils ont les compétences requises pour exercer leur métier d’animateurs.

De ce fait, ils peuvent encadrer des jeunes qui sont investis dans l’association et qui souhaitent se former eux aussi à l’animation, et qui souhaitent encadrer d’autres jeunes. Une première approche de l’animation leur est alors dispensée par les coachs avant de les envoyer en formation à la Fédération.

A l’heure actuelle le club a 4 jeunes arbitres habilités. "On les repère, on leur donne quelques responsabilités, on leur montre des modèles de séances d’animation, d’entrainement, on les accompagne sur la mise en place", détaillent les deux hommes. "Après 2 ou 3 séances on leur demande de préparer une séance puis après on corrige, on remet en place et après c’est sur le terrain. On est derrière eux, on les accompagne".

"Nos jeunes, ils ont besoin aussi de se rassurer, de se positionner, et nous on leur fait confiance on leur confie d’autres enfants. Tout de suite on sent dans leur regard quand ils s’investissent. L’association a aussi cette mission la. Nous on leur apprend des choses, ce que l’on attend en retour c’est qu’ils les transmettent aussi : c’est cette dynamique là qui fait que dans notre club on ne fait pas que du sport".

Nasser conclut toutefois en apportant un bémol : "Les formations que nous souhaiterions faire, nous ne les trouvons pas. On ne trouve pas de formations qui
prennent en compte nos activités. Nous, quand on dit que l’on fait de l’éducation par le sport, on est entre plusieurs disciplines ! Je ne sais pas, quelque chose entre éduc-spé, éducateur de rue et éducateur sportif…", dit-il. "A un moment on a eu cette réflexion avec Jacques… Je cherchais un truc qui se rapprochait le plus des deux… : je n’ai pas trouvé ! C’est assez compliqué". "Ah oui, c’est clair ! C’est clair coach !", conclut Jacques en souriant.

Et aujourd’hui, qu’en est-il ?

Le club foot EGDO est situé au 5, rue de la Charbonnière 75018 (www.egdo-football.com). Inscrit à la Ligue de Paris Ile de France (LPIFF) il participe au championnat et à des tournois du District de la Seine –Saint Denis (http://district93foot.fff.fr).
A ce jour il comprend

  • 250 licenciés dont 50 féminines (2ème place championnat 2013-2014) et une équipe séniors
  • 25 dirigeants (entraineurs, accompagnateurs d’équipe),
  • 4 arbitres officiels parmi les licenciés dont un en fin de formation

Les entraînements :
U7-U8 : mercredis hors vacances 16h30-18h. Gymnase Doudeauville 75018
U9-U10-U11 : mercredis 16h-18h, stade Porte de la Chapelle
U12-U13 : mercredis et jeudis 17h30-19h30, stade Porte de la Chapelle
U14-U15 : mardis et jeudis 17h45-19h45, stade Porte de la Chapelle
U16-U17/U18-U19 : mercredis, vendredis19h-21h, stade Porte de la Chapelle
U17 féminines/féminines séniors : mardi et jeudi 19h-21, stade Porte de la Chapelle
Futsal  : lundis et vendredis.19h-21h.Gymnase Tristan Tzara et gymnase de Fillettes
Seniors  : mardis et jeudis. 20h-22h. Match le dimanche

Antoine Darnal
Administrateur EGDO
Octobre 2014



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