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Bruno Lemesle, voyage à la Goutte d’Or

Publié le 14 mars 2022

Photographe et cinéaste, Bruno Lemesle shoote la Goutte d’Or depuis le début des années 80. Un travail artistique qui a aussi une valeur mémorielle et témoigne de la vitalité du quartier au fil des décennies. Goutte d’Or & Vous l’interviewait déjà en 2016, lorsqu’il accompagnait les élèves du collège Georges Clémenceau qui apprenaient à photographier leur quartier. L’année dernière est paru son premier ouvrage, Carnets de voyage - La Goutte d’Or, exposé à la librairie les Libraires Associés en octobre 2021. Nous avons voulu en discuter avec lui pour en savoir plus.

Carnets de voyage - La Goutte d’Or © Bruno Lemesle - collection "Salut Barbès !"

Quelle est ta relation au quartier de la Goutte d’Or ?
Ma relation à la Goutte d’Or est d’abord née de mon implication dans la vie associative. J’ai fait partie d’un collectif d’artistes qui s’appelait l’atelier “Tac-tic”, pour théâtre, acrobatie, cinéma, travail individuel et collectif. C’était des propositions culturelles pour un quartier qui n’en avait pas vraiment, à l’époque : du travail dans les écoles avec le théâtre, dans la rue avec le cinéma, auprès de la population adolescente notamment. Puis durant deux-trois ans de suite, on a organisé le mini festival interculturel de la Goutte d’Or.

C’est à ce moment-là que tu t’es mis à photographier le quartier ?
C’est là que j’ai appris mon métier ! J’avais 22 ans, je ne savais pas faire grand-chose, mais j’avais une grande foi en l’avenir et dans le cinéma. On pensait que ce qu’on faisait pouvait avoir beaucoup d’impact. De cette implication-là est rapidement né mon désir de vivre à la Goutte d’Or. L’association Tac-tic a dû s’arrêter, on avait vocation à être éphémère… Dans le même temps, tout un tissu associatif s’est développé, agrandi et pérennisé. J’étais surtout un habitant du quartier, et très rapidement est arrivée la question de la rénovation urbaine de la Goutte d’Or. C’est là que je me suis mis à photographier, cinématographier et archiver le quartier. Il y avait une sorte d’urgence à avoir des outils pour pouvoir alerter sur ce qui était en train de se faire. La rénovation était une menace sur l’existence d’un quartier populaire et il fallait agir. À partir de là, je n’ai plus lâché la Goutte d’Or.

J’ai le sentiment que les gens se retrouvent dans mon travail, parce que mon regard se porte du côté des habitants.

Rue de la charbonnière, 1988. © Bruno Lemesle - collection "Salut Barbès !"

À ce moment-là, tu étais dans une approche plutôt documentaire ou artistique ?
À la base, c’était une approche militante. Le but était d’interpeller le regard extérieur sur ce qui était en train de se passer dans un quartier populaire. Au fil du temps, les regards se sont transformés, avec l’arrivée d’une population jeune, de dynamiques artistiques et culturelles nouvelles. C’est là qu’a commencé à naître la collection “Salut Barbès”, où se mêlent à la fois la transformation du quartier et la vie du quartier. Finalement, la Goutte d’Or, ça représente la moitié de mon travail cinématographique et photographique. C’est là où j’ai appris à travailler, où j’ai approfondi mon travail, on s’est nourri mutuellement. Il y a eu des étapes importantes, comme le film La Goutte d’Or, vivre ensemble en 2010. C’était important par rapport aux gens du quartier, mais aussi par rapport à l’extérieur, puisque mon travail a été plus diffusé à l’extérieur que dans le quartier. Mon but, c’est aussi de faire connaître le quartier partout.

Est-ce que tu es toujours dans cette approche militante ?
Non, plus maintenant. Quand j’ai fait La Goutte d’Or, vivre ensemble, entre 2005 et 2010, le film s’est placé dans les luttes sociales de l’époque, qui concernaient le logement, les sans-papier. Il y avait un côté “porte-parole”, mais ce n’est plus un travail militant comme au début. Aujourd’hui, ce qui m’intéresse, c’est plutôt l’idée d’un quartier, ce qu’il est, la force qu’il a. Ce quartier qui arrive à se défendre, se préserver, rester un quartier populaire. C’est l’idée sur laquelle j’ai travaillé quand j’ai fait le livre Carnets de voyage - La Goutte d’Or, qui est vraiment la synthèse des années 1980 à aujourd’hui : un quartier populaire qui est un concentré de la France, rempli de richesses, de contradictions, de conflits. Je suis toujours du côté des habitants. J’ai le sentiment que les gens se retrouvent dans mon travail, parce que mon regard se porte du côté des habitants et non pas au service d’une idéologie qui rendrait le travail militant. C’est plus un regard humaniste que militant.

Rue des poissonniers, 2007. © Bruno Lemesle - collection "Salut Barbès !"

Comment est né ce livre, Carnets de voyage – La Goutte d’Or, paru en 2021 ?
Depuis ma première expo, “Salut Barbès” en 1997, j’avais l’idée d’un livre. Le temps a passé et je voulais faire cet ouvrage, qui va du début des années 1980 jusqu’à 2019. Pour ça il fallait que je m’assois à une table de travail, et la période du confinement a permis cela. Le livre rend compte de la traversée d’un quartier sur 40 ans, organisée en trois chapitres. Le premier chapitre, “Un village dans Paris”, rassemble tout ce qui fait village, pas forcément de manière chronologique, en noir et blanc. Un deuxième chapitre est dédié à la rénovation, en noir et blanc et en couleurs. Il montre la rénovation de grande ampleur, qui était nécessaire mais aussi chavirante. Le troisième chapitre, “Barbès eldorado”, c’est la Goutte d’Or tel que le visiteur de passage pourrait la voir s’il poussait les portes que j’ai poussées : les portes du Café Social, du coiffeur congolais, de l’école Richomme… C’est plus contemporain, avec des photos de 2005 à aujourd’hui, surtout en couleurs.

Il y a une âme, qui est extrêmement forte à la Goutte d’Or, du fait de son histoire

Les photos en noir et blanc donnent l’impression de voir un quartier de la Goutte d’Or intemporel.
Oui, c’est tout à fait ça. C’est pour ça que le premier chapitre est entièrement en noir et blanc et mélange les périodes : il y a quelque chose d’intemporel. Comme si les transformations du bâti n’avaient pas changé le quartier, il y a une âme, qui est extrêmement forte à la Goutte d’Or, du fait de son histoire. Cette âme m’émeut énormément, et ce depuis le premier jour. Parfois on y adhère, et parfois on se dit : “Non. Salut Barbès, au revoir”. Ça te plait, ça ne te plait pas, mais ce n’est jamais neutre, c’est puissant.

Rue de Panama, 2013. © Bruno Lemesle - collection "Salut Barbès !"

Pourquoi est-ce que ton ouvrage s’appelle Carnets de voyage – La Goutte d’Or ?
Parce qu’il va y avoir d’autres carnets de voyage, sur d’autres lieux. L’ouvrage est un peu comme un carnet de voyage, car ce qu’il présente n’est pas exhaustif, c’est une synthèse de là où j’ai été et de ce que j’ai voulu retenir. Et parce que pour les gens qui voient les photographies, c’est comme un voyage. “La Goutte d’Or est connue du monde entier”, comme le dit la vieille dame du film Goutte d’Or insolite, et quand on ouvre le livre on se balade dans le monde. Le nombre de réalités humaines qu’on voit, les gens qui y vivent, qui sont de passage dans la journée, les couleurs, les vêtements… le monde entier est là. De lieux culturels rutilants comme le 360 aux vendeurs de poules vivantes, on pourrait vivre à la Goutte d’Or sans en sortir, d’ailleurs j’en connais qui le font ! Car il y a tout dans le quartier. Même s’il y a des choses parfois un peu brinquebalantes, c’est un quartier avec d’énormes difficultés au départ, qui pourtant humainement s’en sort bien. Je ne vois pas comment on pourrait le regarder autrement que de façon positive. Avec cette volonté des gens de vivre ensemble malgré leurs différences, on apprend à la Goutte d’Or qu’on ne s’en sort pas si mal que ça, et que cette diversité est une chance.

Je souhaite arriver à une vision kaléidoscopique des différentes facettes de la Goutte d’Or

Tu prévois de continuer à travailler sur le quartier ?
Oui, il y a notamment les associations qui m’intéressent. Il y a des difficultés sociales concentrées dans ce quartier, et leur rôle est encore plus important aujourd’hui en période de difficultés. Il s’agirait de regarder le rôle de cette vie associative à travers les enfants, les ados, la distribution des repas, le Café Social qui porte la population âgée... Je pense qu’il y a des choses qui ont été inventées à la Goutte d’Or et qui s’exportent ailleurs. C’est un quartier qui est expérimental socialement. Je veux continuer à la fois mon travail photographique et mon travail de cinéma documentaire. Mon propos et mon regard s’affinent avec le temps, donc je ne veux pas refaire la même chose. Je souhaite arriver à une vision kaléidoscopique des différentes facettes de la Goutte d’Or. Le livre en propose déjà une vision, mais elle n’est pas encore complète. Elle sera complète à mon dernier souffle ! (Rires)

Parvis de l’église Saint-Bernard, 2010. © Bruno Lemesle - collection "Salut Barbès !"

Retrouvez le travail de Bruno Lemesle sur son site internet
Propos recueillis par CO.



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