Tableau de bord de la vie sociale à la Goutte d’Or

C’était comment, la Goutte d’Or, il y a 50 ans ? 20 ans ? 5 ans ? Tous les lundis, Goutte d’Or & Vous ressort une archive des cartons qui témoigne de l’évolution du quartier : vieux reportages de JT, revues de presse, pétitions...

La Goutte d’Or est un quartier populaire au tissu associatif exceptionnellement dense, qui s’insère dans une histoire politique et militante particulière. Comment saisir ses problématiques sociales, économiques et urbaines dans leur globalité et dans leur interpénétration ? Comment les nombreuses associations et les acteurs locaux, plus largement, justifient, ciblent, réajustent et redéfinissent leur action en fonction des évolutions du quartier, de l’impact des mesures publiques urbaines et sociales ? Comment "dire" la Goutte d’Or sans l’enfermer dans des représentations figées et vite datées compte tenu des transformations très rapides dont elle faisait et fait l’objet ?

Le Tableau de Bord de la Vie Sociale à la Goutte d’Or illustre une tentative de réponse. Il s’agissait d’un outil statistique proposant une lecture et un suivi des évolutions du quartier en termes d’emploi, de logement, de revenus et de scolarité. Ce travail a été coordonné par la Salle Saint-Bruno, dans le cadre de l’Observatoire de la Vie Locale (OVL), en collaboration avec la DASES (Direction de l’Action Sociale de l’Enfance et de la Santé), l’Atelier Parisien d’Urbanisme et l’association URACA. Compte tenu des problématiques identifiées dans le quartier, le Tableau de Bord de la Vie Sociale devait constituer, à travers le recueil et l’analyse de données statistiques, la base d’un langage commun pour les acteurs locaux.

Entre 1994 et 2005, le projet a donné lieu à la publication de sept éditions. Cette semaine, nous nous penchons plus particulièrement sur la troisième édition concernant l’année 1996-1997 (à télécharger ci-dessous). Ce document est introduit par une minutieuse explication méthodologique faisant fonction, avant tout, d’avertissement. Pour mesurer l’évolution du chômage, des conditions de vie des ménages ou encore de l’habitat, le Tableau de Bord reprend les statistiques produites par des institutions telles que l’INSEE, la DASES, EDF, le Centre des Impôts de la Goutte d’Or, Pôle Emploi, l’OPAC (Office Public d’Aménagement et de Construction), et d’autres. Les auteurs interpellent le lecteur sur la manipulation délicate des chiffres qui "ne sont jamais que les données produites par des humains, susceptibles de se tromper ou d’être inattentifs". Ils appellent à la prudence et à la prise de distance avec de tels chiffres qui, au mieux, montrent des tendances sans jamais rendre tout-à-fait compte de la réalité, au pire s’avèrent erronées. Le souci de souligner les limites de l’outil statistique, qui reste toujours une interprétation de la réalité, permet aux personnes concernées d’en apprécier mieux la lecture.

Sur une quarantaine de pages, tableaux, cartes et textes se succèdent et mènent à une conclusion qui nuance les résultats obtenus en mettant en exergue les écueils rencontrés concernant la collecte et l’analyse des données. Pour l’année 1996-1997, si plus de 400 naissances sont venues vitaliser la démographie de la Goutte d’Or, il reste difficile de mesurer les flux de population en-dehors de la zone de rénovation urbaine. L’habitat s’était certes modernisé, mais il restait une part importante de parcelles insalubres. Le taux de chômage avait baissé en un an de 10 %, mais restait aux alentours de 20 %, un taux bien au-dessus de la moyenne métropolitaine. Les ménages les plus démunis avaient vu leurs revenus augmenter de 15 % et pourtant, on constatait cette année une augmentation des ménages au RMI et de l’endettement locatif. "La Goutte d’Or irait-elle mieux ?", s’interrogent les auteurs du document. Les chiffres statistiques sortis de leur contexte ne permettent pas de voir les profondes inégalités sociales qu’il peut y avoir au sein même d’un quartier tel que la Goutte d’Or. Malgré les améliorations que connaît le quartier, la composition sociale reste hétérogène comme le souligne le Tableau de Bord : "On peut supposer que les situations de précarité deviennent plus aiguës alors même que la situation générale du quartier tend vers l’amélioration".

Ce travail répondait à un besoin de poser un cadre d’étude de référence pour ce quartier dans lequel beaucoup de personnes et d’associations sont impliquées. Il s’insérait dans un projet plus large : celui de l’Observatoire de la Vie Locale. Il avait été créé en 1992, au sein de la Salle Saint-Bruno. Il avait pour mission d’informer, de former et de qualifier les acteurs du quartier. Mais il était aussi un espace de production de connaissances sur la Goutte d’Or. En 2010, l’Observatoire a fermé suite aux contraintes budgétaires auxquelles la Salle Saint-Bruno a fait face. En effet, la Ville de Paris a estimé que ce travail relevait désormais de sa compétence et n’a plus souhaité financer le projet. La Salle Saint-Bruno a regroupé ses secteurs d’intervention en un seul : "Centre de ressources - Animation de la Vie Locale". La collecte, la numérisation et la diffusion des archives sur le quartier en sont issues et participent à un travail plus large de mémoire. Malheureusement, on s’aperçoit, aujourd’hui, que les données statistiques sur le quartier manquent, sont incomplètes ou pas suffisamment actualisées. Ce besoin, auquel l’OVL avait répondu, reste donc toujours entier.

Télécharger la 3è édition :

Retrouver toutes les éditions dans le dossier Tableau de Bord de la Vie Sociale à la Goutte d’Or.