La journaliste et habitante du 18e arrondissement, Edith Canestrier, signe un portrait de Laurence Bofenda, caviste chez « Shop 18 », à deux pas du métro Château Rouge, rue Custine.
Photo © Michel Setboun
Un tourbillon. En chapeau à larges bords, en toque, ou en foulard noué à la diable, créole aux oreilles, mitaines de cuir, haut perchée sur ses bottines, Laurence Bofenda tient boutique. Quand elle est sur son pas de porte, elle m’a souvent hélée d’un « Bonjour, maman », le salut à l’africaine, marque de respect pour celle qui est plus âgée que soi. Laurence Bofenda est caviste chez « Shop 18 », à deux pas du métro Château Rouge, rue Custine, version un poil plus huppée que le trottoir d’en face qui mène à la Goutte d’Or.
A l’intérieur de sa « cave », les bouteilles de vin sont alignées sur des étagères, comme à la parade, et les bières, les champagnes et les alcools forts aussi. Plutôt du haut de gamme, beaucoup de bio ou de biodynamie. On trouve aussi aux étages inférieurs, quelques produits locaux, en épicerie fine, lentilles, pâtés etc. A l’intérieur aussi, on s’accoude sur une manière de comptoir, comme au bistro, et on est accueilli d’emblée : « Tu veux un café, un thé » ?
Ce jour là, j’ai franchi le pas, intriguée, une Africaine caviste, c’était un peu insolite, mais peut être pas.
J’ai acheté une bouteille de bio pas donnée, mais j’ai eu une sacrée ristourne, « pour mes invités » m’a dit la patronne. D’accord aussi, pour un entretien.
C’était pour un mercredi, un jour sans certitude, où la caviste reçoit une quarantaine de sacs de légumes, où elle a le nez plongée sur sa liste des destinataires, trentenaires la plupart, amateurs de bio et qui passent les uns après les autres récupérer leur bien. Passé 15 heures, c’est aussi l’affluence des clients, des clients amis ou amis tout courts. Un défilé : Momo, un jovial, intarissable diffuseur de blagues, une jeune femme victime de harcèlement au travail venue raconter par le menu sa lutte quotidienne, un restaurateur africain du 10e arrondissement à la recherche d’une marque précise de champagne, une escouade de policiers venus chercher un conseil pour fêter l’anniversaire d’un collègue, la vendeuse du Franprix proche, en congé parental, l’esthéticienne d’à côté et deux tonitruants, déjà passablement alcoolisés et habitués du trottoir.
Certains ne font que passer une tête mais d’autres s’installent, racontent, on rigole, on achète une bouteille et l’on sirote sur le comptoir. Laurence court partout, coche la liste des amateurs de bio qu’elle prévient par Sms.
Bref, j’ai tenu trois heures et je suis restée en carafe.
Va pour un nouveau rendez vous : « Reviens samedi, avant cinq heures, c’est calme ! »