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La Goutte d’Or donne la parole aux parents

Publié le 24 novembre 2021

Plusieurs associations de la Goutte d’Or proposent un soutien à la parentalité. Complémentaires car différents dans leur contenu, ces accompagnements prennent généralement la forme de groupes de parole. Un format idoine pour que les parents échangent entre eux sur leur rôle à la maison.

À la Goutte d’Or plus qu’ailleurs, les actions de soutien à la parentalité visent à accompagner les parents en difficulté durable, ou passagère, dans leur rôle éducatif quotidien auprès de leurs enfants. C’était le cas de ­Fatoumata Sonko quand elle a intégré, il y a vingt ans, le groupe de parole des parents de l’association des Enfants de la Goutte D’Or. Célèbre pour sa vente de pastels au Square Léon, cette habitante du quartier et mère de 7 enfants y a trouvé une seconde famille, et le courage de prendre la parole. “Je n’ai jamais été à l’école alors quand mes enfants étaient plus jeunes et que j’allais à la réunion des parents d’élèves, je n’osais pas parler et je rentrais frustrée à la maison, rejoue-t-elle des années plus tard. Mais participer à ce groupe de parole m’a donné le courage de parler et je me suis même présentée comme parent d’élève au collège Clémenceau.”

Parler pour s’entraider

Le groupe de parole des parents d’EGDO est sans doute l’action de soutien à la parentalité la plus connue du quartier. Et pour cause, en 2016, les participant·e·s ont stoppé les rixes qui opposaient depuis plusieurs semaines les enfants du 18ème et du 19ème. Un événement relayé par nombre de médias nationaux et qui prouve, encore aujourd’hui, que les groupes de soutien à la parentalité sont tout sauf des réunions tupperwares. À EGDO, association historique du quartier créée en 1978, ce groupe de parole a vu le jour en novembre 1999 grâce à un bénévole de l’association et Lydie Quentin. “Il y avait beaucoup de questions individuelles et je ne me sentais pas forcément légitime à y répondre, explique l’actuelle directrice d’EGDO. Le fait de mettre des parents ensemble pour parler de ces questions d’éducation, ça a permis à chacun d’apporter un bout de la réponse ou de la piste de résolution”.

On a toujours voulu que ce soit un groupe le plus mixte possible, que ce soit en origine sociale, culturelle, confessionnelle, générationnelle ou de genre. Lydie Quentin (EGDO)

Deux décennies plus tard, ce groupe de parole a fait l’objet d’un documentaire, et publié un livre-témoignage pour fêter ses 20 ans. Surtout, le groupe se réunit toujours une fois par mois, pour le plus grand plaisir de Fatoumata Sonko : “Ce groupe m’a permis de me poser des questions. Et si quand je sors je suis soulagée, je suis également pressée que la prochaine réunion arrive.” Ce lieu de discussion, ouvert et bienveillant, permet aux parents de s’approprier un espace-temps au sein duquel ils peuvent échanger et aborder l’intimité des questions complexes qui les préoccupent. Pour ça, les deux co-animatrices du groupe, Lydie Quentin et Isabelle Erangah-Ipendo, psychologue à l’Arbre bleu, ont souhaité créer un groupe à l’image du quartier. “On a toujours voulu que ce soit un groupe le plus mixte possible, que ce soit en origine sociale, culturelle, confessionnelle, générationnelle ou de genre. Même s’il n’y a pas beaucoup d’hommes, il y a un papa qui est là depuis le début.”

De pères à pairs

Si les pères de famille sont minoritaires lorsqu’il s’agit d’évoquer le soutien à la parentalité, un groupe de parole dédié a vu le jour en avril 2018 à l’initiative de l’association Home Sweet Mômes. “C’est parti d’une discussion autour de cette petite musique qui dit que, dans le quartier, on ne voit pas beaucoup les pères, rembobine Wardine Ibouroi, directeur de l’association organisatrice de la récente Semaine des droits de l’enfant. Puis un groupe s’est construit autour de 2 ou 3 pères qui se sentaient investis dans l’éducation de leurs enfants.”

Si ce groupe de parole entre pères est libre dans son format, Wardine Ibouroi et Renaud Courtecuisse, éducateur jeunes enfants, ont souhaité fixer un cadre et quelques principes fondamentaux : la confidentialité, le non-jugement et la prise de parole libre. Autant d’éléments qui permettent aux pères de s’exprimer librement et avec bienveillance. “On ne se positionne pas en tant que sachant ou en tant que spécialiste de la parentalité mais on est à l’écoute. Bien sûr qu’à un moment on va projeter un conseil, une info ou une connaissance sur le développement de l’enfant mais l’animation est la plus horizontale possible”, concède Wardine.

Au départ, les parents ne sont pas toujours convaincus puis on finit par en avoir qui sont à fond, qui apprécient le moment et qui reproduiront l’atelier à la maison. Souhila Laouami (AGO)

Comme chez les mamans d’EGDO, les papas d’Home Sweet Mômes - ils sont une quinzaine - se retrouvent une fois par mois, le samedi, pour échanger sur leur rôle dans l’éducation de leurs enfants. En fonction des besoins, l’association fait venir des intervenants pour évoquer la nutrition, le sommeil, la communication non violente ou le bien être de l’enfant. Ici aussi les participants sont issus de toutes les catégories socioprofessionnelles. “En tant que parents, on se pose tous les mêmes questions. L’enfant qui ne dort pas, que tu habites à Saint-Germain ou Aulnay-sous-Bois, la problématique est la même, reconnaît Wardine Ibouroi, lui-même père d’un petit garçon. Après, selon l’éducation et tes moyens, la réponse peut être différente, et c’est là qu’on peut échanger, se conseiller et tester des choses.” C’est là aussi que les patriarches questionnent la place du père dans l’éducation des enfants, ou la manière de les faire grandir dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. “Ce n’est jamais évident de faire venir un papa un samedi matin, à 9h30, pour exposer ses doutes et ses craintes vis-à-vis de l’éducation, avoue Wardine. Mais quand c’est le cas : c’est gagné”

Le collectif contre l’isolement

À Accueil Goutte d’Or (AGO), le soutien à la parentalité joue lui aussi un rôle de plus en plus important. Outre un accompagnement individuel (sorties, ateliers parents-enfants), un autre concernant le départ autonome en vacances, et une permanence sociale, le centre social situé rue Laghouat organise les samedis des parents. “Avec le Covid, on a eu beaucoup d’accompagnements compliqués, on était un peu démuni, explique Souhila Laouami, chargée des actions enfance/jeunesse et parentalité. On s’est rendu compte que l’accompagnement individuel isole aussi les parents.” Ce constat a conforté AGO dans la création d’un café des parents le samedi après-midi. L’objectif ? Développer des temps de réflexion à partir des besoins et des problématiques des parents, puis les accompagner pour trouver des professionnels qui puissent les aider à trouver des solutions. “L’idée, c’est de créer un petit groupe et une dynamique. Puis, une fois par mois, d’ouvrir le groupe à d’autres parents mais sur un thème précis et avec un intervenant extérieur comme l’Espace Public Numérique qui a proposé d’animer une discussion sur le thème des écrans”.

Pour permettre aux parents de venir l’esprit libre à cette journée qui leur est consacrée, le centre social propose en parallèle un accueil pour les enfants de 6 à 10 ans. Puis après le café des parents, un atelier arts plastiques à quatre mains est organisé par une art-thérapeute. “Là on est vraiment sur le lien positif et apaisé entre les parents et les enfants à partir de 3 ans. Au départ, les parents ne sont pas toujours convaincus puis on finit par en avoir qui sont à fond, qui apprécient le moment et qui reproduisent l’atelier à la maison”, explique Souhila Laouami. Cette dernière se félicite de la complémentarité des actions de soutien à la parentalité dans le quartier. C’est également le cas de Lydie Quentin et Wardine Ibouroi. Le directeur d’Home Sweet Mômes songe même à construire une université populaire des parents. "Ça fait 3 ans qu’on se pose la question d’organiser une UPP. Pendant 4 ans, on met en place des actions citoyennes, on rencontre l’Éducation Nationale, les maires, et on fait de la recherche documentaire. Ca mériterait qu’on le fasse dans le quartier de la Goutte d’Or et pourquoi pas avec EGDO, AGO ou ADOS.”

Tous propos recueillis par Maxime Renaudet.



Jeunesse / Enfance Vie des associations Parentalité

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