CINÉ | "Les Ambassadeurs", quand la Goutte d’Or se conjugue au passé

Dans le cadre du "Maghreb des Films", le cinéma le Louxor organisait une rétrospective autour de l’immigration dans le quartier de Barbès et de la Goutte d’Or. Edouard Klein, habitant du quartier et bénévole à l’Espace Public Numérique, est allé voir "Les Ambassadeurs". Il raconte son ressenti face au film dans cet article.

Cette revue est particulière, puisqu’elle concerne un film qu’il sera très difficile de voir ou revoir. La projection de "Les Ambassadeurs", film tunisien de 1975 a été permise au Louxor ce jeudi 11 décembre par la conservation dans une cinémathèque des rouleaux qui partaient à la poubelle à la fin de la distribution du film.

Des évolutions qui ont touché toute la société

Le quartier est omniprésent dans le film, que ce soit dans les
nombreuses scènes de rues, ou dans ses plans panoramiques qui embrassent
les toits, de la ligne 2 jusqu’au Sacré Cœur. Au delà des lieux,
reconnaissables, on découvre dans l’enchaînement des scènes simples et
franches une ambiance qui n’a, malheureusement, pas tout à fait disparue.

Le tableau très noir que brosse le film est assez loin de la réalité
actuelle. On ne jette plus les arabes dans le canal Saint-Martin en
toute impunité, et ne peut plus justifier au tribunal qu’un coup de
fusil dans le dos au gamin qui passait dans le hall relève de la
légitime défense. La gauche militante a pris la mesure des problèmes des
immigrés et des mouvements de soutien spécifiques ont vu le jour. Mais
ces évolutions ont concerné l’ensemble de la société.

Et aujourd’hui ?

Dans le quartier, certaines choses sont toujours là. Les prostituées
sont moins nombreuses, mais il y en a toujours à la porte de certains
immeubles. Les CRS arpentent les rues, mais leur matraque est à la
ceinture, et ils sont chargés du trafic de drogue, des vols et du marché
au voleurs plutôt que d’interdire les réunions politiques. Le quartier
reflète l’amélioration générale de ces dernières décennies, mais je ne
suis pas sûr que les problèmes de fond spécifique à la Goutte d’or aient
été résolus.

Le film pose les problèmes mais ne propose pas de solutions. Mais si ce
que j’ai entendu est vrai, le film était une solution à lui tout seul,
puisqu’il a permis au grand public de se rendre compte de la réalité du
terrain, et a mené à une action de l’ensemble de la classe politique.
Peut-être faudrait-il en tourner un nouveau afin de réévaluer la situation.

Edouard Klein