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Face à la crise - Interpellation de l’inter-associatif Goutte d’Or

Publié le 22 avril 2020

« INTER - ASSO » GOUTTE D’OR CRISE COVID-19 INTERPELLATION COLLECTIVE 21/04/202 , PARIS 18E
Le texte lu par Lio Setim :

Les associations, après une période de sidération et de réorganisation, sont belles et bien présentes et, ce que nous nommons l’inter-associatif à la Goutte d’Or ne faiblit pas, bien au contraire. Nous ne sommes pas peu fiers de le réactiver en la période, une richesse que nous partageons de longue date sur le quartier.

Après une première interpellation transmise il y a moins de 10 jours pour laquelle nous sommes restées sans réponse, nous réitérons l’exercice, en développements structurés. N’entrevoyez pas malice mais inquiétudes et questionnements largement partagés, que nous déroulons ici, certes longuement. Notre démarche vise le bien commun, l’intérêt général. Nous comptons sur votre implication pour prendre connaissance des termes ici présents que nous avons collectivement élaborés.

Tout d’abord, nos temps d’échanges entre associations sont réguliers, ils permettent de nous concerter, de travailler ensemble, d’échanger nos pratiques et nos problématiques. Bien entendu, nos échanges premiers concernent le public, celui auprès duquel nous agissons habituellement. Soulignons ici qu’il va bien au-delà dans le contexte : le public, les bénéficiaires, les habitant·es, les gens, la société font partie intégrante de notre préoccupation.

La crise que nous vivons met en exergue les situations sur lesquelles nous alertons bien trop souvent, d’une certaine façon c’est « comme d’habitude mais en pire ». Aujourd’hui encore, avec toute notre agilité, notre engagement, nous continuons d’intervenir en réadaptant nos manières de faire et de travailler. Dans un premier temps, ce courrier vise à vous faire connaître les situations pour lesquelles nous sommes en alerte et qui, vraisemblablement, vont s’aggraver.

D’autre part, nos échanges et réunions permettent aussi de nous interroger, nous rassurer ou nous alarmer sur la vitalité même de nos structures. Certaines associations font partie de ce que l’on nomme actuellement les premières lignes en parant aux besoins vitaux et primaires : l’alimentation, le logement et l’accès au droit. D’autres ou parfois les mêmes poursuivent leur rôle à distance : lien social, éducation, loisirs, culture. Enfin, une partie est à l’arrêt, confinée sans travail mais néanmoins inquiètes et participantes à la réflexion collective, se proposant d’aider ici ou là bénévolement. Ce courrier veut donc vous alerter également sur ce point : nos associations sont des entités particulières, nous ne produisons pas de matières consommables, notre production est immatérielle et repose, pour beaucoup, sur des financements publics, « sur projet », cette production toute immatérielle qu’elle est, constitue une richesse, elle participe à l’économie et à la production d’une richesse humaine.

1. Sur les publics et les situations que nous rencontrons, pour lesquelles nous avons parfois des solutions, mais d’autres où nous nous sentons plus démunies :

Considérant les mal-logé·es, les sans logements, les sans-papiers, au contraire de papiers médiatiques déplorables, les habitant·es de notre quartier respectent autant qu’ils·elles peuvent le confinement. Il nous faut déplorer le rôle et la présence policière déviante. Des scènes de violences policières ne sont jamais acceptables, elles continuent pourtant de se dérouler et sans contrôle social d’une partie de la population, elles sont « en roue libre ». Cela ne saurait perdurer, nous vous demandons de bien vouloir vous faire le relais des attentes que nous sommes en droit d’exiger sur le professionnalisme de cette autorité. Nous demandons aussi la garantie que les personnes munies d’une attestation puissent circuler sans crainte d’arrestation en raison de leur situation administrative pour accéder à la nourriture, aux soins.

De nombreuses personnes n’accèdent toujours pas à l’hébergement d’urgence. Ces personnes sans domicile sont les mêmes qui se voient contraintes de rester dehors, dans les rues de la Goutte d’Or, et aux alentours faute d’endroit où se confiner. Nous souhaitons le soutien d’associations œuvrant dans ce domaine pour permettre au public que nous rencontrons dans nos distributions d’être pris en charge. Les acteurs en première ligne avec ce public auraient besoin de contacts plus directs que ceux du 115 : comment le réfléchir ensemble ?

Les personnes vivant en hôtel social, en foyer pour migrant·es : leurs besoins sont aussi à couvrir : comment y accéder ? Où trouver les adresses de ces hébergements pour informer les résident·es des services auxquels ils peuvent accéder, les faire bénéficier de la solidarité ? Quelle réponse apporter aux personnes qui peuvent, un tant soit peu, préparer des repas ?

La période du Ramadan va débuter dans quelques jours, période de fête, elle structure la vie du quartier à certains égards, elle permet aussi des revenus pour des personnes qui en font commerce, elle est un lien social et de solidarité pour beaucoup. Bien sûr le principe de laïcité nous est cher, nous ne cherchons pas à obtenir des décisions politiques ou juridiques particulières en raison d’une fête religieuse. Néanmoins, et quand bien même beaucoup de nos concitoyen·es adapteront cette fête, cela mérite d’être interrogé et anticipé autant que faire se peut.

Les distributions alimentaires se structurent autour de 2 pôles dans le quartier : La Table ouverte et Solidarité Saint Bernard avec le 4C à venir. Les besoins sont criants et toujours plus nombreux. Nos appels aux dons mériteraient d’être renforcés par la puissance publique, que cela soit en termes de communication, d’apport financier ou de vivres. Sur ces distributions, nous sommes sollicités par des besoins en eau, produits d’hygiène, vêtements (et d’accès gratuit aux laveries), paniers alimentaires à cuisiner soi-même. Comment y répondre autrement que par des appels aux dons, à la générosité individuelle ? Un second type de distribution est en place et se structure pour du petit matériel de loisirs : crayons, feutres, livres, jeux … là encore nous le faisons reposer sur des initiatives bénévoles et d’entraide qui mériteraient d’être soutenues. De plus, l’école reprend, fin des vacances scolaires printanières : pourriez-vous nous rassurer sur les équipements informatiques des familles ? Nous avons recensé une trentaine d’ordinateurs à donner ou prêter dans notre réseau, cela n’est évidemment pas suffisant. Au-delà de l’équipement informatique, crucial, se pose aussi la question des connexions. Nous le savons, le wifi gratuit est possible à déployer, n’est-ce pas l’occasion de mobiliser les entreprises spécialisées ? Ouvrir des points d’accès ? Nous soulignons également que des forfaits téléphoniques sont insuffisants pour maintenir les contacts avec l’école, les services sociaux.

Certains de nos publics proviennent d’autres arrondissements, de banlieue : vers quelles structures pouvons-nous les orienter ? Une cartographie et une plateforme des services et associations seraient ici bienvenues. Des mesures à hauteur ont été prises pour soutenir les familles (Mairie de Paris pour les enfants mangeant à la cantine, CAF pour les allocataires bénéficiant du RSA et de l’ASS, pour les ménages avec enfants bénéficiaires de l’allocation logement, bailleurs sociaux pour les foyers ayant des difficultés à payer leurs loyers), il n’empêche encore trop d’habitant·es rencontrent de vraies problèmes financiers et nous font part de leurs vives inquiétudes.

Les publics rencontrent parfois des difficultés à contacter leur travailleur.euse social.e et encore plus quand ils n’en ont pas un.e d’attitré.e Nous-mêmes sommes parfois dans le silence des appels que nous tentons. Nous avons de grosses inquiétudes sur la suspension et la rupture de droits en particulier pour les personnes n’utilisant pas le numérique et pour celles n’ayant plus accès au service de domiciliation. L’accompagnement à distance de ces personnes est difficile, pour ne pas dire impossible, nous craignons que les situations soient critiques au moment du dé-confinement. Pour répondre à ces dernières préoccupations, pouvez-vous nous faciliter l’accès aux permanences des services sociaux, ouvrir des aides d’urgence accessibles aux personnes exclues des dispositifs pré-existants ou encore permettre aux associations volontaires de rouvrir leurs permanences en leur donnant les moyens sanitaires suffisants ?

Globalement, nous sommes mobilisées tout en ayant encore de grandes difficultés à répondre aux trop nombreuses sollicitations. Sans compter les ruptures de droit, les chutes psychologiques vertigineuses, l’effondrement d’économie familiale que nous voyons s’opérer sous nos regards impuissants : demain, il faudra réparer les vivant·es aussi…Nous prendrons notre charge, nous sommes même disposées à imaginer des solutions d’interventions plus massives en nous renforçant.

2. A propos de nos structures, associations, si fragiles et si importantes.

Déjà « hier » nous souhaitions « le monde d’après », dès maintenant et comme avant nous participons à sa construction. Oui nous formons le vœu d’une société plus solidaire, plus égalitaire, démocratique et sociale. Nous n’avons jamais cessé de la réclamer ! Nous nous réjouissons d’avance d’une prise de conscience plus massive. Demain, cette société devra encore compter sur nos associations pour se réaliser, il serait incongru de penser qu’il pourrait en être autrement.

Pour autant, nous sommes inquiètes sur ce qu’il adviendra de nos organisations, nos professionnel·les, nos moyens financiers pour continuer d’exister. Plusieurs d’entre-nous avons entendu des discours bienveillants et rassurants des services et des élu·es : nous voulons y croire sans naïveté. Hélas, aucun écrit à ce jour ne nous apporte suffisamment de garantie qui permettrait de nous soulager. Ici et là, nous avons reçu des courriers de garanties sur la pérennité de financement de poste, comme les aides à l’emploi FONJEP ou Adultes Relais. Nous nous interrogeons sur les autres formes de subventions : celles communément appelées sur projet, de fonctionnement. Qu’elles soient annuelles ou pluriannuelles, qu’elles aient été votées ou non. Autant le dire, nous serions particulièrement offusquées de voir des financements trop largement diminués pour « service non fait ». Nous déplorons même à employer ce terme qui relève d’une vision étriquée, sinon fausse, de l’objet associatif que nous représentons ici. Certes, des projets n’auront pas lieu, les postes de nos professionnel·les seront en partie pris en charge par l’activité partielle mais en partie seulement ! Beaucoup de professionnel·les ont vu leur missions réadaptées pour faire face à l’ampleur de la crise comme nous le décrivions plus haut. Nous sommes fortes et agiles mais fragiles, préservez-nous.

Nous entrevoyons les moyens déployés par la force publique pour faire face à la crise actuelle, nous nous doutons que demain les budgets publics devront être reconsidérés, nous espérons grandement que les économies ne seront pas réalisées sur les plus fragiles, des choix ici politiques seront cruciaux, s’ils vous appartiennent aujourd’hui en partie, nous en serons comptables demain autant que l’ensemble de la société. Nous rêvons d’un fond municipal de soutien d’urgence à la vie associative… Certaines d’entre-nous (dont les budgets reposent tout ou partie sur des recettes habituellement acquises par des prestations ou d’auto-financement) courrons un risque plus ou moins grand qui nous maintient éveillées malgré nous et sans rêve, ce sont plutôt ici des insomnies pour nos dirigeant·es bénévoles comme pour nos professionnel·les.

Nous nous interrogeons sur le peu de visibilité -voir de soutien (matériel, financier, d’appuis…)- que la Ville accorde aujourd’hui à la diversité associative. Oui celles du « care » sont remerciées, soutenues (surtout lorsqu’elles sont suffisamment développées) et c’est crucial, mais « nous ne jouons pas dans la même cour ». Les appels à bénévolat et à la solidarité sont fortement relayés et structurés par la collectivité, nous nous en félicitons, mais nos besoins sont autres, ils méritent d’être entendus. Nous découvrons dans la lettre de Madame La Maire qu’un point hebdomadaire est réalisé pour « accompagner et soutenir les commerçants et professionnels parisiens » là encore c’est nécessaire mais quelle représentation associative s’y trouve conviée ? Bien sûr, nous revendiquons inlassablement notre liberté, notre indépendance ; nous sommes en relation avec des réseaux, collectifs, fédération : l’entraide n’a pas été inventée avec le Covid 19. Nous en sommes suffisamment expertes. Nous avons reçu ces derniers jours le courrier de M. Le Maire du 18e, nous entrevoyons là un bon commencement qu’il faut poursuivre et amplifier.

Enfin, beaucoup d’entre nous font appel à l’activité partielle, les services déconcentrés (DIRECCTE) comme les organismes sociaux pourront, naturellement, effectuer des contrôles a posteriori sur 3 ans. Nous ne souhaitons nullement y échapper si besoin était. Pour autant, nous attirons là encore votre attention : petites structures pour la plupart d’entre-nous, nous faisons au mieux pour apprendre et faire dans le cadre de la réglementation avec la plus grande conscience professionnelle et d’utilisation de ces fonds publics. Toutefois, il serait judicieux d’avoir là encore des considérations bienveillantes et compréhensives. Déjà certaines associations se demandent comment faire comprendre l’articulation entre professionnel·les en activité partielle et bénévolat avec lequel nous sommes habituées d’agir ? Cela ne semble pas d’une évidence absolue pour nos interlocuteur·trices…

Vous le savez, vos services également -ils nous sollicitent d’ailleurs largement pour diverses raisons et nous y répondons toujours du mieux que nous pouvons- nos préoccupations sont de l’ordre de l’intérêt général, tournées vers l’objectif de la participation de nos structures à la gestion de cette crise et ses suites. En revanche, nous refusons que cette crise prenne un autre aspect que sanitaire, la morale et la politique doivent être des outils d’appuis pour l’affronter, nous nous y employons et nous en serons les vigies, hier comme demain. Nous espérons vivement en sortir grandies tout en résilience.

Nous vous souhaitons bon courage dans la période actuelle, prenez soin de vous autant que nous cherchons à prendre soin de nous et des autres. Nous avons conscience des efforts déployés, il en reste encore, poursuivez la dynamique. Nous avons de nombreux moyens à disposition pour échanger avec vous à distance, collectivement, afin d’unir nos forces face à la situation.

LES ASSOCIATIONS : HOME SWEET MOMES - SALLE SAINT BRUNO - ADOS - APSAJ -ACCUEIL GOUTTE D’OR - ESPRIT D’EBENE - AYYEM ZAMEN – COLLECTIF 4C - LES ENFANTS DE LA GOUTTE D’OR - COMPAGNIE GABY SOURIRE - SOS CASAMANCE - ACCUEIL LAGHOUAT - ARBRE BLEU - L’ILE AUX LANGUES - PARIS GOUTTE D’OR - LA TABLE OUVERTE - SOLIDARITES SAINT BERNARD - LES XEROGRAPHES - URACA/BASILIADE - SUZANNE PADEL (membre du collège Habitant de la SSB)

Le texte en pdf :



Santé Défense des associations Vie des associations solidarité/égalité/accès aux droits Covid19

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