C’était comment, la Goutte d’Or, il y a 50 ans ? 20 ans ? 5 ans ? Goutte d’Or & Vous ressort une archive des cartons qui témoigne de l’évolution du quartier : vieux reportages de JT, revue de presse, pétitions... Cette semaine, Goutte d’Or & Vous retrace l’itinéraire historique du marché de Château Rouge, devenu point névralgique du quartier.
Les marchés parisiens animent dès le soleil levant les rues de la capitale, s’inscrivant dans un espace-temps qui confère à chaque quartier sa spécificité. Ce sont des lieux d’échanges et de réunions qui se muent au fil des années, se façonnent par les populations, donnant une tonalité singulière à ces espaces commerçants. Le marché Dejean, connu sous le nom emblématique de marché de Château Rouge en est le parfait exemple. Situé entre la rue Poissonnière et la station de métro Château Rouge, il est impossible de s’égarer en le cherchant. Les échos suffisent à guider les âmes curieuses et les visiteurs occasionnels à la recherche de produits particuliers. Ces rues, colorées d’échoppes africaines et antillaises, font partie intégrante d’une World culture ; le 18e arrondissement la triomphe à travers sa mixité. Pour autant, ce constat n’était pas si évident quelques décennies auparavant.
L’évolution du marché Dejean ne peut être séparée d’une étude des flux migratoires. L’arrivée progressive de diverses populations a donné corps à cet espace. On notait déjà dans les années 1950 l’arrivée d’une population maghrébine ouvrière ; une migration majoritairement africaine s’ensuit dans les années 1970 à 1980, à l’origine de petits commerces. Très vite, ces échoppes surpassent les deux seules boutiques parisiennes vendant anciennement des produits africains : celle de Stalingrad et de Censier-Daubenton.
Les commerces se spécialisent au fil des années par une régionalisation des produits, subissant les aléas du climat géopolitique africain. Le déclenchement de la guerre des Six Jours à Kisangani (République démocratique du Congo) en 2000 a eu une influence notable sur les importations. Dès lors, le marché Dejean semble être une zone grise, à l’intersection de deux continents, tout en étant un melting-pot unique en son genre. Les frontières de la minie-Afrique bien qu’extensibles, se façonnent par les commerces. La clientèle se déplaçait de province, de Suisse, d’Allemagne ou de Belgique dans les années 2000.
En 2000, Sandra Hueber, ancienne coordinatrice de l’Observatoire de la Goutte d’Or, témoignait de l’importance du marché dans la vie de quartier : “Si le quartier est si vivant, c’est grâce à l’existence de ce marché” Depuis, il semble que le marché s’alimente des multiples interactions et qu’une population toujours plus croissante s’approvisionne dans cet espace.
Par Noame Toumiat.