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“Qu’est-ce que je vais faire ? Je vais quand même pas voter blanc !”

Publié le 5 avril 2022

À l’approche du premier tour des élections présidentielles 2022, Goutte d’Or & Vous a interrogé plusieurs primo-votantes du quartier. Âgées de 18 à 22 ans, elles se rendront dans l’isoloir dimanche 10 avril pour la première fois et comptent bien faire entendre leur voix.

Lancé au mois de janvier dernier, notre appel à témoignages dans le cadre des élections présidentielles et législatives nous a permis de nous entretenir avec cinq primo-votantes du quartier. Et contrairement aux statistiques des dernières présidentielles - au cours desquelles seuls 62,4% des 18-24 ans avaient participé aux deux tours - aucune des jeunes interrogées ne compte boycotter les urnes lors du premier tour dimanche 10 avril. “Parce que c’est la première fois, mais aussi pour peser un peu dans la vie politique, exprimer ses convictions à travers un candidat ou un programme”, justifie Félicie, qui vient tout juste de souffler sa 18ème bougie. Pour Britney, de deux ans son aînée, l’effet première fois joue aussi dans son choix d’aller voter et ce “pour pouvoir peut-être changer les choses et montrer que les jeunes ont des choses à dire”. Un constat partagé par le panel non représentatif de jeunes interrogés, qui déplorent le manque de considération des politiques pour les jeunes. “On n’écoute pas les jeunes, et ce n’est pas pour rien qu’on voit qu’à chaque élection, les jeunes ne votent pas beaucoup", rationalise Kadidi, qui souhaite également aller voter pour “faire reculer le pourcentage d’abstention chez les jeunes.” Et qui sait, peut-être même le faire baisser à l’échelle du quartier puisqu’en 2017, lors du premier tour des présidentielles, le pourcentage d’abstention à la Goutte d’Or était de 22,15%. Un chiffre bien supérieur à celui du 18ème arrondissement (18,57%), à celui de l’abstentionnisme national (20,52%).

Les présidentielles du numérique

Pour lutter contre l’abstentionnisme chez les jeunes, autorités, médias et citoyen·nes ont rivalisé d’inventivité pour développer des outils numériques permettant de rendre la politique plus accessible. Logique tant les jeunes s’informent désormais principalement grâce aux réseaux sociaux et aux médias, mais de manières différentes. Alors que Britney se sert de Twitter pour suivre l’actualité politique relayée par les médias, Lila - également âgée de 18 ans - les utilise pour accéder aux prises de parole publiques des candidats. “Après il y a quelques trucs que je boycotte quand même, complète Lila. Que ce soit TPMP avec Cyril Hanouna, CNEWS ou Hugo Décrypte car je n’aime pas trop la démarche qui consiste à donner la parole à certains et pas à d’autres.” D’autres primo-votant·e·s se sont quant à eux tourné·e·s vers Elyze. Inspirée de Tinder, cette application a pour but pour faire matcher ses utilisateur.ice.s avec des candidat·e·s à la présidentielle.

L’application Elyze m’a aidée à connaître les différents programmes mais rien de plus.
Nour, 20 ans.

Elle a permis, par exemple, à Britney de se positionner sur certaines propositions et de voir avec qui elle est la plus compatible. Mais pour Nour, qui a elle aussi téléchargé cette application censée réconcilier la génération Z avec la politique et les élections, l’utilité d’Elyze s’est avérée en réalité limitée : “Ça ne m’a pas trop aidée parce que pour l’instant soit ça me met Mélenchon en premier soit Marine le Pen en second, donc c’est un peu inquiétant, remarque Nour en rigolant, avant d’enchaîner. L’application m’a aidée à connaître les différents programmes mais rien de plus. Des fois j’y pense et je me dis : ‘Mais purée qu’est-ce que je vais faire ? Je vais quand même pas voter blanc’

“J’ai l’impression d’avoir des décennies de politique à rattraper”

Médias, réseaux sociaux et applications nouvelle génération ne s’avèrent pas suffisantes pour que les primo-votant·e·s se sentent assez outillées pour voter. C’est le cas de Félicie, qui a pourtant participé à la primaire populaire en janvier dernier. “Je sais que théoriquement tout le monde devrait être plus ou moins légitime à voter mais parfois c’est difficile, d’autant que pour moi c’est la première fois que je vais voter et que ça ne fait pas si longtemps que je m’intéresse à la politique, explique Félicie.. Il y a plein de trucs où j’ai l’impression que j’ai des décennies de politique à rattraper.” Même constat pour Nour, qui parle un peu politique au travail mais presque pas en famille, ce qui lui donne l’impression d’être larguée. Devoir choisir parmi une kyrielle de candidat·e·s, ce n’est pas chose aisée non plus pour Britney, qui a récemment participé à une soirée élections organisée par l’association ADOS à l’attention des jeunes votant·e·s. “J’ai l’impression que les jeunes se basent plus sur ce qu’ils voient, par exemple sur les réseaux sociaux, avance Britney. Ils vont davantage essayer de voter à l’encontre de ce qui les déplaît. C’est dû je pense à un manque d’infos.”

Justice sociale et écologie, le duo gagnant ?

Ce manque d’information et de culture politique est un sujet qui est revenu à plusieurs reprises dans les témoignages recueillis. Pour les primo-votantes interrogées, l’absence de discussions politiques à l’école est problématique et creuse sans doute aussi les inégalités d’accès à cette culture politique. “Comme les profs sont censés être apolitiques, le débat politique n’existe pas à l’école, et il n’y a pas non plus d’explications des mesures, constate Lila, lucide. Je trouve que c’est dommage parce que c’est quand même les élèves qui voteront plus tard donc c’est bien de leur donner des clés. Malheureusement, le débat politique va plutôt venir des élèves déjà politisés qui vont s’organiser et essayer de parler politique avec les autres. Mais on pourrait tout à fait donner des cours de culture politique sans qu’il y ait un message idéologique quelconque derrière”.

La question de la justice sociale devrait être au premier rang des débats.
Lila, 18 ans.

Malgré cette absence d’information du collège au lycée, ou parfois même à la maison, les cinq primo-votantes interrogées partagent nombre de préoccupations communes. Pour Lila, “la question de la justice sociale devrait être au premier rang des débats”, juste devant l’écologie et le climat. Un constat partagé par Nour et surtout par Britney, qui pointe du doigt la situation d’étudiant.e.s dans des situations déplorables, celle des soignant.e.s, mais aussi le manque d’accès à la culture. Autant de sujets qui n’ont eu voix au chapitre durant la campagne des élections présidentielles.

Tous propos recueillis par Maxime Renaudet.

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