Au mois de novembre 2014, se déroulait la campagne "Octobre rose", lancée pour sensibiliser les femmes quant à l’importance du dépistage du cancer du sein. En France, entre 50 et 74 ans, une femme sur huit est touchée. Si celui-ci est dépisté à temps, neuf femmes sur dix s’en sortent sans séquelles. A la Goutte d’Or, au gré des rencontres faites sur les marché de Barbès et de Château rouge, des femmes nous ont raconté leur première expérience de dépistage, leur appréhension ou les mythes qui entourent le cancer du sein.
"J’ai fait mon premier dépistage à 30 ans. A l’époque, mon médecin m’avait envoyé pour un diagnostic car il se pouvait que je sois à risque. Mais je n’avais aucune crainte, aucune appréhension. Se faire dépister, je trouvais que c’était plutôt rassurant.
Là où j’habite, il y a beaucoup de cancers... De nombreuses femmes ne se sont pas faites dépister à temps, et ça a mal évolué. Elles sont tellement préoccupées par leur travail, leur vie de famille, parce que tout repose sur elles, qu’effectivement elles ne prennent pas bien leurs précautions. Peut-être qu’elles le prennent comme une fatalité...
Moi je n’éprouve pas forcément le besoin d’en parler. Il n’y a que mes enfants que je mets au courant. Je sors une feuille au dîner et je leur dis " Les enfants, champagne ! Votre mère n’a pas le cancer du sein ! On boit un coup pour fêter ça, dans deux ans ce ne sera peut-être pas le cas ! ".
Ma soeur vient d’avoir un cancer du sein, mais il a été dépisté à temps. On n’en discute pas beaucoup, je la laisse tranquille. Les conversations " et toi, comment vont tes nichons ? ", non merci !"
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"J’avais moins de 50 ans lorsque j’ai fait mon premier dépistage. J’avais eu une opération de l’utérus, il fallait que je prenne des médicaments, et donc que je sois surveillée. C’était au début des années 80. Je n’avais pas d’appréhension particulière. Au contraire, je ne voulais pas avoir peur : imaginons que j’ai eu un cancer ? J’aurais été dépistée à temps, opérée, et guérie. Comme je suis suivie, tous les deux ans, j’ai confiance, je n’ai pas peur.
Dans mon entourage, les gens ne parlent pas du cancer du sein facilement. Moi je parle de tout, même avec mes enfants ! Je pense que de nombreuses personnes sont pudiques et n’aiment pas en parler. Je pousse ma fille à le faire. Après 50 ans, on devient à risque, on ne sait jamais.
D’autant que moi j’aime bien ça, les dépistages. C’est toujours sans souci. Je suis heureuse d’y retourner à chaque fois, je crois que je vais même demander à mon médecin d’y aller tous les ans ! A chaque fois, j’attends la date avec impatience.
Ce n’est pas le cas pour tout le monde. C’est comme pour tout, certains n’y font pas attention. Chez moi, en Afrique, on ignore tout cela. Même si les gens commencent à prendre conscience de l’importance de se faire dépister, ils n’y prêtent pas assez attention. Ici en Europe, les gens sont beaucoup plus informés. C’est tant mieux. "
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"Je fais un dépistage tous les deux ans, dans le quartier. La première fois j’avais une réelle appréhension. J’avais très peur parce que j’avais les veines qui sortaient, et ça me faisait mal. Je suis allée chez le médecin, c’est lui qui m’a recommandé de faire un dépistage. Quand j’y ai été, j’avais tellement peur que le médecin là-bas a dû me rassurer, et rapidement il m’a dit " vous n’avez rien, tout va bien ". J’avais 45 ans à l’époque, aujourd’hui, j’en ai 59.
J’ai eu une cousine qui a eu un cancer du sein. Malheureusement, on l’a su trop tard et elle est décédée. Depuis, je dois avouer que ça me fait peur. Je suis vigilante. J’en parle avec ma famille, j’incite les gens à y aller. Quand une amie me dit qu’elle a mal au sein je lui dis " tu dois y aller faire un dépistage, n’hésite pas ! ". Je parle à chaque fois de ma cousine qui est partie très tôt, à 30 ans.
On se dit qu’à 30 ans, on ne peut pas l’avoir, mais le temps qu’on diagnostique ma cousine, c’était trop tard, malgré l’opération. Elle est partie. Souvent, les gens ne comprennent pas pourquoi il faut aller se faire dépister. Parfois, le cancer peut se déclencher même si on ne sent rien. Alors que quand on va faire un dépistage, ça ne coûte rien ! On nous rassure, on nous dit que ça va... Et ça, ça soulage.
Il y a beaucoup de femmes autour de moi qui ne font pas de dépistage, elles disent qu’elles sont trop jeunes, et moi je dis " ma cousine avait 30 ans, et elle est morte de ça ". De nombreuses femmes ne sont pas suffisamment informées, elles disent " ça c’est pour les vieilles ! ", elles ne se sentent pas concernées. Mais moi, la première fois que je l’ai fait, je n’étais pas vieille ! J’avais 45 ans."
*Le prénom a été modifié
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"J’ai fait ma dernière mammographie il y a tout juste un an ! J’ai reçu une lettre m’incitant à aller me faire dépister, j’ai automatiquement été chercher un centre pour un dépistage gratuit. Mais ce n’était pas la première fois, je ne suis plus toute jeune ! (rires). Depuis que j’ai eu l’âge pour faire le test (50 ans), j’y vais dès que je reçois le courrier.
Par contre c’est vrai que ça fait mal ! Pas trop mal non plus, mais c’est désagréable, surtout pour moi qui n’aime pas les piqûres. Mais c’est supportable, ça ne va pas m’empêcher d’y retourner.
J’ai une amie qui a eu un souci, elle habitait en Côtré d’Ivoire, elle est arrivée ici, heureusement, car ils ont détecté le cancer du sein. Elle a pu être soignée. Le dépistage lui a sauvé la vie. Heureusement qu’elle est venue en France ! En Afrique, il y a beaucoup de femmes qui ne font pas le dépistage : soit elles ne sont pas informées, soit elle ne sont pas au courant, soit elles ne voient pas la nécessité, même si c’est gratuit.
Elles ne se sentent pas concernées, mais c’est dommage, car on est toutes concernées. Comment faire pour informer, pour faire passer le message... Je ne sais pas trop. Pourtant, en Afrique, on parle du cancer du sein beaucoup plus librement. Ici, c’est tabou.
*Le prénom a été modifié
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"Moi j’y vais tous les ans ! J’ai 63 ans en ce moment. Cela ne me fait pas peur. J’en discute avec les amis, la famille. Il y en a de plus en plus des cancers du sein, ça touche beaucoup les jeunes. C’est surtout ça qui m’inquiète. Pour nous ça va, on vieilles ! (rires) Mais pour les jeunes, ça me fait peur...
D’autant que pour nous, ce n’est pas un tabou, mais j’ai l’impression que les jeunes filles n’ont pas envie d’en parler de ça, elles préfèrent que ce soit un secret. Si elles ne sont pas mariées ou fiancées, elles sont inquiètes. Elles se disent peut-être que si un garçon voit qu’elles ont le cancer du sein, il ne va pas craquer pour elles ! C’est ça le problème. Nous, les personnes âgées, ça ne nous inquiète plus ce genre de choses.
J’ai un garçon et une fille. Ma fille, je l’oblige à contrôler régulièrement ! Du coup, elle fait attention. Obligé ! La maman, elle est toujours inquiète ! Je connais beaucoup de femmes qui ont eu le cancer du sein, qui ont été opérées, et maintenant, elles travaillent et sont en parfaite santé ! Si on fait vite et qu’on traîne pas, c’est soigné."
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"De nombreuses femmes ont peur d’aller se faire dépister. Moi aussi j’ai peur. On n’en parle pas souvent entre nous. On devrait le faire plus ! Mais il y a les "on-dits". Les gens disent que c’est la honte. Ce sont des croyances, on a l’impression qu’on va perdre ses cheveux... Alors que c’est faux ! Il n’y a pas de raison d’avoir honte, c’est une maladie ! Mais les femmes ont peur d’avoir la boule à zéro...
La première fois que je suis allée me faire dépister, j’avais très peur. Dans la salle d’attente, on en discutait entre nous, on se disait que c’était dangereux, que les traitements étaient longs... J’étais tellement morte de trouille qu’à la fin le médecin m’a carrément félicité : " Bravo madame ! Vous n’avez rien ! ".
Un cancer c’est quand même quelque chose. Cela peut causer la mort. En fait, rien que le mot "cancer", ça fait peur !"
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"Mon prochain dépistage, c’est la semaine prochaine ! J’y vais sans crainte. Vous savez, je suis déjà diabétique alors si je me mets à craindre tout ce qui traîne, je m’en sors pas. Arrive ce qui doit arriver.
Par contre je trouve qu’il y a une espèce de pression pour obliger à faire les dépistages et je me demande si c’est important de le faire tous les deux ans. Lors de la mammographie, on est irradiés par tout un tas de trucs... Je trouve que c’est bien de se faire dépister, mais j’en ai marre qu’on nous harcèle avec ça.
Moi, j’ai choisi de ne pas le faire tous les deux ans. Je fais régulièrement le palpage, bien sûr. Je me tâte (rires). Mais, si l’on résume, on vous fait faire la radio des seins, le scanner de l’utérus, la radio du machin... En une année vous recevez je ne sais combien d’ondes, et ça non plus ce n’est pas forcément bon pour l’organisme.
En fait, je n’aime pas la classification : à 30 ans, vous avez ça, à 40 ans, vous êtes à risque... On vous parle des seins, de la prostate, des yeux, toute la journée, vous êtes abrutis par toutes ces informations sur la santé. Le corps, il faut y faire attention, c’est vrai. Mais je trouve cela anxiogène. Si on commençait déjà par manger plus sain..."
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"Ma mère est décédée du cancer du sein, donc je suis en plein dans le sujet. La première fois que j’ai été me faire un dépistage, j’avais une vraie crainte, oui. C’était il n’y a pas si longtemps que ça.
Depuis, je vais me faire dépister à peu près tous les deux ans. La dernière fois, c’était il y a environ un an. J’ai eu une alerte, il a fallu que je fasse une biopsie, qui s’est révélée négative.
C’est important d’en parler autour de soi. Si le cancer est diagnostiqué au début, vous avez 90% de chances de vous en sortir. C’est une bonne solution pour éviter que la maladie ne s’aggrave. Mais c’est surtout le rôle du médecin d’en parler. Avec mes amis, je n’en discute pas.
Mon médecin a toujours été très vigilant. Il m’a envoyé faire une biopsie très rapidement. Mais s’il y a un reproche que je pourrais faire au quartier, c’est celui-ci. Pour faire une biopsie, on est obligés d’aller dans des centres spécialisés, et dans à la Goutte d’Or, il n’y en a a aucun, c’est dommage."