Si l’arabe est la deuxième langue la plus parlée en France, elle n’est pas la plus enseignée. Pour faire découvrir sa langue et sa culture au plus grand nombre, Sadia offre des cours d’arabe dialectal aux habitant.e.s du quartier à prix libre. Depuis mars, elle leur donne rendez-vous les vendredis dans les locaux de Quartier Libre.
Sadia ne fait pas de cours particuliers pour gagner de l’argent : c’est le partage de la langue qui l’anime avant tout. Les cours ont démarré en mars 2023 dans les locaux du Collectif 4C à Quartier Libre, un restaurant associatif de la Goutte d’Or. C’est en accompagnant son amie bénévole dans la distribution de fruits et légumes à Quartier Libre que Sadia a rencontré Hélène Tavera. La cofondatrice de l’association lui a proposé de donner des cours d’arabe pour les habitant.e.s.
Sadia est algérienne et travaille dans la petite enfance. Elle a l’habitude de donner des cours en tant que bénévole dans une autre association, et vient maintenant tous les vendredis de 15h à 16h30 pour offrir ces cours d’arabe dialectal. Pour l’instant, les bénéficiaires sont tous.tes débutant.e.s et régulier.e.s. Ces cours sont « destinés à tout le monde, pour qu’un maximum de personnes puisse apprendre » explique Sadia. D’où le choix du prix libre (chacun.e paye selon ses moyens). Elle aime voir des gens de tous horizons qui s’intéressent à cette langue.
Widad et son fils Issa, d’une dizaine d’années, sont là depuis le premier cours. Iels habitent dans le 93 et son fils fréquente une école tout près de Quartier Libre. Iels ont trouvé l’annonce du cours par hasard, lors d’un anniversaire familial organisé dans le restaurant associatif. « Nous n’avons pas de bases en arabe. L’habit ne fait pas le moine ! » plaisante la jeune mère en désignant son voile. « C’est vraiment sympa ce cours, en plus de son côté associatif. C’est dommage qu’on passe à côté d’une langue dans laquelle on a des origines ! Cette langue est aussi utile pour les études, pour le travail... » ajoute-t-elle. Solenn, une autre élève, est venue sans aucune connaissance de base en arabe non plus. La jeune fille, non arabo-descendante, éprouve un grand intérêt pour les cultures arabes.
« Ça me fait plaisir de voir comme il y a des résultats comme avec ce groupe, de la volonté. » L’ambiance est bonne, et la technique d’enseignement aussi. Les cours sont à la fois individuels et collectifs. Sadia enseigne l’arabe par « la méthode ancienne » : plus directe, plus simple, selon la bénévole. Concrètement, elle enseigne les lettres de l’alphabet une à une, à l’oral puis à l’écrit. « Je les laisse faire » dit-elle. Et les élèves révisent de leur côté à la maison. Résultat ? En un ou deux cours, iels peuvent déjà lire et écrire quelques mots.
Si l’arabe est la deuxième langue la plus pratiquée en France selon l’Institut National d’Etudes Démographiques, elle reste très peu enseignée dans les collèges et lycées. Pour répondre à ce délaissement institutionnel, des associations culturelles ou cultuelles proposent des cours d’arabe [1]. Lors d’un discours sur les séparatismes en 2020, Emmanuel Macron a annoncé vouloir renforcer l’enseignement de la langue, dans un cadre laïque. Notamment afin de lutter contre un communautarisme ou un radicalisme qui grandirait dans ces secteurs associatifs.
Cette annonce avait une fois de plus alimenté des polémiques dans l’espace public. Selon un sondage iFop, 69% des Français.e.s étaient défavorables à l’enseignement de l’arabe et des langues maternelles à l’école publique, en 2020. Derrière cette réticence scolaire et française de la langue, il n’est pas rare de déceler des préjugés islamophobes. Il est donc primordial d’ouvrir l’intérêt pour cette langue et ces cultures.
Cindy Viallon
[1] Yahya Cheikh, « L’enseignement de l’arabe en France : les voies de transmission », Hommes et migrations, n° 1288, novembre-décembre 2010, p. 92-103.