Beats By Girlz : la relève de la scène électro à la Goutte d’Or

Publié le 30 novembre 2022

Gratuits et ouverts à toutes les femmes et minorités de genre, les ateliers Beats By Girlz préparent la relève de la scène électro française. En enseignant la MAO (Musique Assistée par Ordinateur), l’association cherche à déconstruire les stéréotypes de genre dans le milieu du spectacle et de la production musicale. Goutte d’Or & Vous a assisté à une des séances de novembre au FGO-Barbara.

À peine installées sur leur table, leurs têtes plongent dans l’écran, casques aux oreilles. Elles sont une dizaine pour ce deuxième atelier de rentrée de Beats By Girlz au FGO-Barbara, situé au cœur de la Goutte d’Or. On y apprend à manier les logiciels de « beatmaking », c’est-à-dire de création de sons, de rythmes. Dans la première séance, les participant.e.s revoient les bases de la production musicale. Comment transforme-t-on un son analogique en données digitales ? A travers quel langage les synthés, ordis et logiciels communiquent entre eux dans les concerts live ? Tous les niveaux se retrouvent : il y a des débutant.e.s, des curieux.ses, des personnes ayant un projet professionnel dans la musique, ou des artistes émergent.e.s. Les élèves s’entraident, l’environnement est « safe ». C’est en tout cas ce que Sarah Perez, fondatrice de Beats By Girlz France, tient à maintenir dans son projet.

Une des participantes, Chloé, est arrivée il y a six mois dans le quartier. C’est son voisin qui lui a conseillé de regarder les événements du FGO-Barbara. Passionnée de musique électronique, elle a sauté sur l’occasion. « J’avais déjà téléchargé des petits programmes de musique, mais c’est tellement complexe qu’il faut quelqu’un pour t’expliquer. » Après la première séance, elle s’est directement entraînée à la maison. Ce qui l’a motivée, c’est « surtout de comprendre comment les musiques que j’écoute sont faites. Dans ce sens-là, c’est vachement intéressant. » explique-t-elle.

« Ça avait du sens de le faire à la Goutte d’Or »

La fondatrice, aussi dj, productrice, interprète et sound designeuse (Sharouh de son nom de scène), prépare ces ateliers depuis plus d’un an, le plus souvent au FGO-Barbara « C’est un spot qu’on aime bien. Ils sont actifs, bien implantés dans le quartier » nous dit-elle. La structure lance un appel à inscription à travers leur réseau pour constituer la moitié du groupe, puis Sarah va chercher d’autres participant.e.s pour étendre l’accès aux ateliers à tout le monde.

« Ça fait un groupe hypermélangé à tous les points de vue. Ça marche bien parce que d’un côté on travaille un peu l’ancrage local du projet, et de l’autre côté, c’est quand même ouvert. »

Pour Sarah, faire ces ateliers dans le quartier de la Goutte d’Or avait du sens. « Le projet a pour but de démocratiser et de donner accès à la production musicale à des gens qui n’ont pas forcément accès à ça, pour diverses raisons. » D’où la gratuité des cours, et du logiciel « Ableton Live » pour travailler. L’idée de Beats By Girlz, c’est d’inclure, mais aussi de mettre au-devant de la scène musicale les femmes et minorités de genre, largement sous-représentées. « On essaye de programmer des anciennes élèves de nos ateliers pour leur donner l’occasion de faire une scène » explique-t-elle. La dernière était en octobre 2022, toujours au FGO, dans le cadre de la Fête des Vendanges. Les habitant.e.s ont pu écouter divers styles de productions musicales des participant.e.s, allant de la darkwave à la pop expérimentale, en passant par le post-raï.

La faible part des femmes dans le secteur musical

Même si les choses évoluent, le secteur de la production musicale reste un lieu « hyper masculin », déplore Sarah. En France, les chiffres sont assez parlants. Seuls 10% des artistes solo programmées dans les salles françaises sont des femmes, et 2% des groupes sont à majorité féminine ou exclusivement féminin, selon une enquête de Prodiss* sur la place des femmes dans la musique et le spectacle vivant.

Pour la fondatrice de l’association, leur absence sur scène vient aussi d’un sentiment « d’illégitimité vis-à-vis des métiers techniques, notamment dans la musique ». Une autocensure qui bloque la création artistique. Et faire ces ateliers en non-mixité -c’est-à-dire sans homme cisgenre,- permet à la fois de « mettre les choses à plat sur le sujet, et de créer un environnement hypersafe, où tout le monde se sent à l’aise de poser toutes les questions qu’iels veulent. Je pense que ça change pas mal de choses » nous explique Sarah. En témoignent ces ateliers, les femmes et minorités de genre sont bien présentes, et déterminées à faire entendre leurs voix.

Les prochaines sessions se dérouleront également au FGO-Barbara, courant février 2023. Si vous êtes une femme ou une minorité de genre dans le quartier, n’hésitez pas à vous inscrire !