Pourquoi ne pas profiter des jours de confinement que l’on a encore devant nous pour découvrir ou redécouvrir le quartier de la Goutte d’Or. Goutte d’Or & Vous a sélectionné pour vous plusieurs archives du quartier.
Dans les années 1870, Emile Zola décrivait le quartier de la Goutte d’Or, à l’occasion de la publication en feuilleton de l’Assommoir, qui fait scandale à l’époque. Il s’agit d’un roman entièrement consacré au monde ouvrier de l’époque et parler ainsi du peuple déplaît à certains.
« Au milieu de ces cancans, Gervaise, tranquille, souriante, sur le seuil de sa boutique, saluait les amis d’un petit signe de tête affectueux. Elle se plaisait à venir là, une minute, entre deux coups de fer, pour rire à la rue, avec le gonflement de vanité d’une commerçante, qui a un bout de trottoir à elle. La rue de la Goutte-d’Or lui appartenait, et les rues voisines, et le quartier tout entier. Quand elle allongeait la tête, en camisole blanche, les bras nus, ses cheveux blonds envolés dans le feu du travail, elle jetait un regard à gauche, un regard à droite, aux deux bouts, pour prendre d’un trait les passants, les maisons, le pavé et le ciel : à gauche, la rue de la Goutte-d’Or s’enfonçait, paisible, déserte, dans un coin de province, où des femmes causaient bas sur les portes ; à droite, à quelques pas, la rue des Poissonniers mettait un vacarme de voitures, un continuel piétinement de foule, qui refluait et faisait de ce bout un carrefour de cohue populaire. Gervaise aimait la rue, les cahots des camions dans les trous du gros pavé bossué, les bousculades des gens le long des minces trottoirs, interrompus par des cailloutis en pente raide ; ses trois mètres de ruisseau, devant sa boutique, prenaient une importance énorme, un fleuve large, qu’elle voulait très propre, un fleuve étrange et vivant, dont la teinturerie de la maison colorait les eaux des caprices les plus tendres, au milieu de la boue noire. Puis, elle s’intéressait à des magasins, une vaste épicerie, avec un étalage de fruits secs garanti par des filets à petites mailles, une lingerie et bonneterie d’ouvriers, balançant au moindre souffle des cottes et des blouses bleues, pendues les jambes et les bras écartés. Chez la fruitière, chez la tripière, elle apercevait des angles de comptoir, où des chats superbes et tranquilles ronronnaient. »
- Extrait de : Zola, E. (1879). L’Assommoir. [E-book] : Bibebook.