Mardi 18 février, à l’occasion d’une sortie organisée par Accueil Goutte d’Or pour les vacances scolaires, une petite troupe de jeunes âgé.e.s de 11 à 18 ans se sont rendu.e.s à la Maison de la Radio, située dans le 16ème arrondissement de Paris.
La Maison de la Radio est un bâtiment circulaire imaginé par l’architecte Henry Bernard, qui accueille la radio-télévision publique française. Inaugurée le 14 décembre 1963, elle gère aujourd’hui sept radios différentes et abrite un millier de bureaux, ainsi que soixante-trois studios d’enregistrement. Depuis 1975, il s’agit également du siège de la société Radio France, qui a eu le plaisir de nous recevoir pour un atelier de deux heures autour de la rumeur, qui visait la découverte du fonctionnement et l’enregistrement par les enfants d’une courte émission de radio. Mais avant de se prendre pour un vrai journaliste, il faut être initié à tout ce que cela signifie.
Nous avons quitté le centre social aux alentours de treize heures. Quarante-cinq minutes et deux lignes de métro plus tard, nous descendions à l’arrêt Passy de la ligne 6. Ont alors suivi dix minutes de marche le long de la Seine, avec la tour Eiffel en fond de paysage. Les jeunes tenaient à tout prix à s’arrêter pour prendre des photos mais pour l’heure, nous étions attendus. Il faut dire aussi que ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de se promener le long des quais du 16ème arrondissement avec une vue imprenable sur notre dame de fer, ils souhaitaient en profiter et ils avaient bien raison !
À notre arrivée à la Maison de la Radio, lors du passage à la billetterie, nous ont été offerts à tous des tote bags Radio France que les jeunes se sont empressés d’utiliser pour y mettre leurs vestes et manteaux et ainsi être plus libres de leurs gestes pour ce qui allait suivre. Quinze minutes plus tard, nous rencontrions les deux jeunes hommes qui seraient chargés de s’occuper de nous cet après-midi-là : un jeune journaliste et un technicien de régie tous deux très sympathiques, qui chacun leur tour allaient nous emmener dans leurs univers respectifs.
Nous sommes monté.e.s dans une grande salle dédiée très certainement à l’accueil des groupes scolaires et extra-scolaires dans laquelle étaient disposées de grandes tables, accolée à un petit studio d’enregistrement. En effet, nous avons appris que l’une des missions de Radio France, en tant que structure publique, était de faire découvrir et d’éduquer les enfants aux médias et notamment à la radio. Pendant une quarantaine de minutes, l’animateur nous a présenté la Maison de la Radio, ce qu’elle était et ce qu’on y faisait. Sous la forme d’un petit quizz +/-, nous avons été surpris d’apprendre qu’environ 3000 salarié.e.s y travaillent chaque jour, pour la production de sept chaînes de radio différentes : France Inter, France Culture, France Info, France Bleue, France Musique, Mouv’, & Fip. Si les jeunes connaissaient les quatre premières de nom au moins, ils n’avaient pour la plupart jamais entendu parler de France Musique, dédiée à la musique classique et au jazz ou encore de Fip, consacrée à la découverte de nouveaux morceaux. On apprend également au fil de la discussion que l’heure phare de la radio française est sept heures du matin, contrairement à la télévision qui connaît ses audiences les plus élevées en soirée. Lorsque le moment est venu pour eux d’énumérer les radios qu’ils connaissaient, souvent grâce à leurs parents, ce sont plutôt des radios privées telles que Skyrock, chérie FM ou encore Nostalgie qui ont eu la côte. Et pour France Info par exemple, c’est la version télévisée qui semblait pour eux la plus populaire.
Après un bref point sur ce qu’est et ce que n’est pas la radio, la transition vers le thème de l’atelier : la rumeur, s’est faite justement quand il a été question d’évoquer la question du direct et de ce qu’il implique. En effet, à la radio, si un.e journaliste se trompe, c’est trop tard : c’est dit et entendu ! Faire une erreur en direct a plus d’impact que lors d’une émission préenregistrée. Si cela arrive, iel n’a donc pas d’autres choix que de reconnaître son erreur et de présenter ses excuses. Ainsi comme tout.e journaliste, iel possède donc un très important devoir de vérification de l’information et de ses sources, qui est d’ailleurs l’une des conditions sine qua none au financement public de Radio France. Si cela n’est pas fait de manière systématique, la radio risque alors de se retrouver à l’origine d’une fausse information et/ou d’une rumeur infondée, ce qui ne lui ferait pas bonne publicité.
Mais une rumeur, c’est quoi ? Et comment ça se propage ? Ce sont les deux questions que l’animateur a posé aux enfants. Quand l’un d’eux a commencé à répondre : « c’est une information qui- », l’animateur l’a gentiment coupé et lui a fait remarquer que ce n’était justement pas une information. Une rumeur est une nouvelle dont on n’est pas certain.e de la véracité, une déclaration dont on ne connaît ni la source exacte, ni la fiabilité, et qui a tendance à se propager et à se déformer sur la route. Concernant les moyens de propagation, les premiers évoqués par l’une des jeunes furent bien entendu les réseaux sociaux, que ces adolescents semblent contrairement aux idées reçues, maîtriser sans réelle naïveté. Le bouche à oreilles est également suggéré. En effet, à l’école notamment, les commérages font tout autant de dégâts, mieux vaut s’en méfier.
Se méfier, c’est ce que doit toujours faire un journaliste. L’animateur évoque alors le travail d’Antoine Krempf qui plusieurs fois par semaine sur France Info s’intéresse à une rumeur et démêle « Le vrai du faux » en à peine quelques minutes. Ce format d’émission très réduit montre que vérifier une information est accessible à tou.te.s et ne prend finalement pas tant de temps que cela. Pour mieux comprendre les démarches qu’un.e journaliste effectue pour être fixé.e sur le caractère vrai ou fallacieux d’une rumeur avant de l’annoncer comme information, nous avons écouté l’une des émissions de septembre dernier, traitant de l’eau noire de Rouen qui, à en croire les photos qui circulaient alors sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours, semblait couler des robinets d’eau courante depuis l’incendie de l’usine Lubrizol. Après avoir directement contacté une étudiante qui se disait concernée, le directeur de l’eau de Rouen et une ingénieure sanitaire de l’agence régionale de santé de Normandie, le verdict tombe : la rumeur est fausse.
C’est une émission de ce type que les enfants allaient devoir enregistrer à la fin de l’atelier, et ce, dans de vraies conditions ! Mais avant cela, le technicien présent nous a invité.e.s à rejoindre le studio d’enregistrement et nous a présenté le lieu et comment, globalement, le tout fonctionnait. On a par exemple appris qu’une fois le « rouge micro » allumé, les journalistes comprenaient qu’ils pouvaient parler car ils étaient en direct. On a également compris l’importance de l’horloge située sur la table d’enregistrement en face du présentateur, qui l’autorise à donner l’heure de façon assez régulière, permettant ainsi à ses auditeurs de savoir par exemple s’ils sont en retard le matin. Et les micros alors, qui les contrôle ? Pour répondre à cette question, nous nous sommes dirigés vers le petit espace reculé comportant un ordinateur, plusieurs écrans et une table de mixage radio. C’est depuis cette console que les micros sont gérés par le technicien en régie.
Est alors venu le moment de composer trois groupes de cinq personnes pour la préparation de trois petites émissions de radio, toujours sur le thème de la rumeur. Deux rumeurs étaient à traiter : la photo d’une pyramide d’Égypte recouverte de neige et le blocage par des enfants de maternelle de leur cantine pour contestation du menu. Chaque équipe devait se diviser les rôles : 1 présentateur.trice, 3 journalistes et 1 technicien.ne de régie. Après s’être brièvement présenté, l’animateur allait être chargé d’annoncer l’heure, l’émission et d’introduire les journalistes avant chacune de leurs interventions. De leur côté, les journalistes allaient quant à eux s’exprimer sur la rumeur en question, expliquant ainsi sa nature, les raisons de sa diffusion et les arguments permettant de justifier le caractère fallacieux de celle-ci. Enfin, tous concluraient chacun leur tour sur un conseil avisé pour éviter d’être trompé par une rumeur infondée ou une fake new.
Outre l’attribution des rôles, la préparation consistait pour les enfants à imaginer tout comme Antoine Krempf les étapes à suivre pour vérifier une information, à compléter leur intervention sous forme de texte à trous qu’ils devraient lire en direct, à choisir le conseil qu’ils énonceraient, et enfin, à s’entraîner pour que le tout soit le plus fluide possible au moment de l’enregistrement. Pendant ce temps, les trois personnes chargées de la technique découvraient la table de mixage radio plus en profondeur. Lancer les génériques, allumer et régler les micros, placer les virgules/jingles aux bons endroits, rester attentif.ve aux signes des journalistes : elles avaient une bonne demi-heure pour apprendre tout cela avant l’arrivée en studio de leurs collègues, camarades qu’il faudrait également briefer à leur tour, avant d’allumer le rouge micro, sur les différents signes à faire à la régie pour lancer les fameuses virgules sonores.
Une fois tout le monde d’attaque, tous les groupes se sont retrouvés en studio pour enregistrer leur émission. Pendant que l’un passait, les deux autres attendaient leur tour dans le public, assistant ainsi à la prestation de leurs camarades. La tension était palpable, le stress montait pour tout le monde : nous allions enregistrer une vraie émission de radio, dans un vrai studio, avec de vrais professionnels ! Bon, certes, nous n’allions pas être en direct mais tout de même, quelle pression ! Cette pression semblait égaler la joie d’expérimenter concrètement le travail de ces gens qu’on entend tous les jours parler depuis notre poste de radio. Nous avons tous pris très au sérieux l’expérience, mais jouer au/à la journaliste avec ses ami.e.s, ça aide quand même à se détendre, à prendre confiance et à profiter du moment, et c’est ce que nous avons tous fait !
Entre chaque passage, le technicien avait le temps d’effectuer un rapide montage des émissions qu’il a envoyées au responsable du groupe à la fin de l’atelier. Les enfants gardent ainsi un souvenir de ce bon moment, et peuvent le raconter avec preuves à l’appui, à qui voudrait bien l’entendre !
Sur le trajet retour, on en parle encore : « C’était vraiment génial », « Franchement c’était ouf, mieux que ce à quoi je m’attendais ! » Des ressentis très positifs envahissent nos oreilles. À peine sorties, certaines le racontent déjà à leurs proches au téléphone. Et quelques instants après avoir quitté la Maison de la Radio, comme promis, nous nous arrêtons pour prendre des photos avec la Tour Eiffel.
Et si vous êtes arrivé.e jusqu’ici, vous avez la chance de pouvoir écouter les émissions enregistrées par les jeunes lors de cet atelier !